Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/329

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—321— à prétendre que plus un livre se vend, plus son auteur a de mérite, c'est d'une telle absurdité que je ne veux seulement pas m'en défendre. M, Zola s'enfonçait, les jambes croisées, dans un coin du grand fauteuil; il redit, les yeux rêveurs derrière le binocle en hochant la tête : — Le luxe, le luxe, je m'en fiche ! Voyez - vous tout ça - et sa main fait un long geste circulaire, — qu'est-ce que ça me fait ! je n'en ai pas besoin! ça ne m'intéresse pas, je vous le répète; ah! si je pouvais recom mencer ma vie... une mansarde, voyez- vous! une mansarde et la tranquillité... » Pouah ! M. José-Maria de Hérédia vient de remettre à l'éditeur Lemerre le manuscrit de son livre de sonnets : Les Trophées. V M. Rémy de Gourmont écrit ceci dans la Revue blanche : « On croit le moment bon pour le dire avec sincérité et avec naïveté : à cette heure il y a deux classes d'écrivains, ceux qui ont du talent, les symbolistes; ceux qui n'en n'ont pas, les autres. » C'est drôle, nous ne trouvons pas que M. Rémy de Gourmont soit symboliste! Dans le même numéro de la Revue blanche, sous la signature de M. Lucien Muhlfcld, on lit : « Ils sont tous très beaux. La Chanson du prodigue, de M. Trarieux. le Jardin de l'âme, de M. Roussel, Quand les violons sont partis, de M. Dubus (les jolis titres!), des vers réguliers, des vers libres, des vers faux, des vers nombreux et charmeurs. Et auparavant les Poèmes et songes, volup tueux et corrects, de M. Jean Griselin. Et depuis les Chansons naïves, si joliment, de M. Gérardy ; et ce troublant Adolescent confidentiel de M. Michel Féline... Mais il faut borner ses élections Et mon goût va à deux livres. A Tel qu'en songe, d'abord, de Henri de Régnier, où pour une fois encore nous revoyons les personnages abstraits du Héros, de la Forêt, de l'Alé- rion, etc., dans les décors, les déclamations et les récitatifs les plus beaux sans nul doute qui soient de ce poète. La Gardienne n'est inférieure à aucun poème. Puis, il y a, réunies chez Charpentier, les Poésies de Catulle Mendès. Eh bien, c'est très fâcheux, mais toutes choses chro nologiquement égales d'ailleurs, ilfaut bien le dire : on avait plus de talent dans la génération d'avant. » Que va dire M. de Gourmont? Un sonnet académique, dédié à ceux qui ont de la peine à se rappeler les noms des Quarante : En notre Académie ils sont quarante. C'est De Brogliect Vogué, Du Camp, Sully-Prudhommc, Boissier, Bertrand, Duruy, Simon, l'ami de l'homme : Legouvé, Pailleron, Renan, Rousse et Rousset, Les évêques Perraud et Dumas, Sardou, Say, Lavisse, Cberbuliez, que Valbert on surnomme ; Lesscps, le duc Pasquier, de sa prose économe, Mézières, Claretie et Camille Douoet, Notre immortel Pasteur, Mazade, d'Haussonville, Taine, OUivîer, Gréard et Leconte de Lisle, Hervé, Marinier qui n'est pas le plus décati, Freycinct, Halévy, Meilhac, François Coppée, Lemoïnne, cette plume, Aumalc, cette criée, Et le plus jeune et le plus beau, Pierre Loti. N. B. Ce sonnet n'est pas de M. José- Maria de Hérédia. Les peintres vont bien. M. Ciamberlani traduit, dans le Mouvement littéraire, un poème d'un jeune Italien, M. Dante Alig- hieri. Echantillon : Nous étions partis déjà de là, quand j'en vis deux gelés en une même fosse, en sorte que l'une tête à l'autre était chapeau. Non pas chapeau, mais trois-françois ! Dans la Revue indépendante de juin, M. Georges Bonnamour recommence le Journal des Goncourt sans Goncourt. Lire dans l'Endehors, un très bel article d'Emile Verhaercn sur Georges Eekhoud, et dans l'Art moderne un fragment caracté ristique de la conférence de Georges Eek houd sur Peter Benoit. Un aphorisme de Quasi, dans le Mer cure de France : « Supprimer les petits pois, c'est priver