Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/332

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—324— rions pas plus, mais... nous l'aimerions davantage. Avis à l'infâme Fély. De M. F. de Nion, dans le Figaro, un très intéressant article sur le mouvement littéraire en Belgique. En voici le début : « Ce serait une étude assurément ingé nieuse, d'une curiosité subtile et délicate, celle par laquelle on tâcherait à relever les courants, à surprendre les influences étran gères qui. à toutes les périodes de notre histoire littéraire, apportèrent à notre lan gue une orientation . des richesses nouvelles, en firent ce merveilleux et souple instru ment dont la flexibilité infinie, le perpétuel renouveau assurent l'élégance et la vitalité. « Aux premiers âges et pendant toute la Renaissance l'esprit français est hanté de romanisme, de grécité ; plus tard, il s'enno blit et s'enfle aux hâbleries espagnoles, s'aménise et se subtilise sous la séduction du goût italien; à la fin du xvii1» siècle, il est touché d'anglicisme, nourri de germa nisme durant l'expansion romantique; de nos jours, l'art russe, émané de France, y revient exercer une action réflexe, violente autant que passagère; enfin, dans ces der niers temps, un nouvel élément s'insinue, domine jusqu'à un certain point nos jeunes écoles -. la littérature belge « d'expression française », suivant le mot d'un de ses criti ques les plus perceptifs et les plus avisés, M. F. Nautet. Cet éveil brusque — presque miraculeux dans ces provinces flamandes, dans ces pays de « taiseux » — d'un art jeune et combatif, c'est la France qui le provoque; mais aussitôt provoqué, il a son action sur nous. C'est la Belgique qui ac cueille les plus avancés de nos jeunes écri vains, les acclame et les consacre, ce sont ses revues qui luttent pour eux. » Suit une étude très complète, malgré quelques petites inexactitudes de fait, sur nos prosateurs, Lemonnier, Eekhoud, Pi card, Goffin, Maubel, etc., et sur nos revues littéraires. Voici le passage qui concerne la Jeune Belgique : « Des journaux, des revues surtout con tribuèrent, avec des fortunes diverses, mais toujours une ardeur, un désintéressement admirables, au succès de cette littérature naissante. L'Europe, fondée à Bruxelles par M. E. Franck, un économiste de haute valeur, ouvrit son supplément aux nou veaux écrivains : presque en même temps la Jeune Belgique faisait paraître son pre mier numéro. Max Waller, figure char mante et gamine, incarnant deux natures contradictoires, l'étudiant allemand et le boulevardier parisien, lança le périodique en pleine mêlée, avec les plus « en avant » des jeunes : Giraud, Gilkin, Verhacren, Goffin, H. Maubel, Demolder, etc., etc. « Il en fit l'organe imaginatif, spiritualiste, impressionniste du mouvement. » Tous nos remerciements à M. de Nion. Il De René Maizeroy, dans Gi7 Blas.ce bel éloge de Constantin Meunier : « C'est un maître ce Constantin Meunier qui pétrit dans la glaise et la cire comme l'âme de la terre nourricière sur laquelle s'usent et peinent les pauvres gens, qui semble lui-même avec son masque fruste, presque farouche, où s'emmêlent les rudes crins d'une barbe rougeâtre, ses yeux où palpite une suprême bonté, ses massives épaules, son air timide et doux, quelque apôtre venu des Thébaïdes pour prêcher la pitié et l'aumône aux Heureux de la vie. pour alléger la noire misère des Déshérités. Le fragment de haut-relief qu'il a intitulé la Glèbe et qui représente deux paysans aux faces crevassées, rudes, tendues par l'effort du labeur, aux bras musclés pour violer la nature, pour lui arracher le pain quotidien, pour jeter bas des arbres sécu laires, aux échines incurvées par de longues années de fatigue et de lutte, est un de ces chefs-d'œuvre pour lesquels on se pas sionne et qu'il importe de saluer avec autant de respect que d'admiration. » Le Mercure de France nous apporte des nouvelles de Henry De Groux : « Le tableau de H. De Groux, le Christ aux Outrages, présenté au jury du Champ- de-Mars. a été refusé sur les instances de M. Jean Béraud. Devant l'opinion de ce peintre (d'un génie incontesté), des artistes tels que M. Puvis de Chavannes (lequel connaissait le tableau et l'admirait tout haut) ont cru devoir humblement capituler. L'ambigu Stcvens n'a dit oui ni non. Raison du refus: que cette toile, trop originale (sic;, compromettrait la bonne tenue du Champ- de-Mars. Ce tableau et une grande com position en quatre panneaux, du même auteur, sont exposés à l'Union libérale d'artistes français (Palais des Arts libéraux. Champ-de-Mars).