Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/333

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POÈMES i BONHEUR La voix du monde expire au seuil de ces vallées... Le murmure des eaux, le frisson des feuillées Charmaient seuls à jamais d'un souffle éolien De notre amour comblé l'exil élyséen ; Et le soir enchantait de parfums et d'haleines L'ombre que les grands bois allongent sur les plaines. Tout au monde était beau! Mais qu'importe à l'Amour L'éclat toujours nouveau d'un si bienheureux jour ? Ton corps frêle et charmant couché dans la rosée Souviens-toi ! détournait vers sa beauté brisée Mon regard désormais las des bois et des prés, Et la clarté jouait dans tes cheveux ambrés ! Révèle\, ô forêts, révèle, ô solitude. Le secret de la joie et de sa lassitude. Parfois, en nos baisers, il nous semblait mourir. Un murmure étouffé comme un dernier soupir, Le râle et le sanglot d'une immense tendresse Témoignaient seuls encor de notre intime ivresse... Mourir? Mais, enlacés, mourir eût été doux! Quel attrait nous gardait ce qui n'était pas nous? Une possession si longue et si profonde Nous dérobait déjà le pur aspect du monde :