Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/35

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—27— pareilles à des langues de neige et de soleil, mais muettes sur l'or ancien du temple, et tranquilles. Sur la place, à des balcons fameux, restaient à l'air des tapis magnifiques, des soies rayonnantes à l'égal des chasubles, avec des pélicans saignant pour leurs petits. Tous ces personnages des drapeaux et des bannières, immobiles dans leur passé, pareils à des rêves arrêtés dans les nues, fabuleux comme des chimères, — avec les cigognes qui s'envolaient et les saints illustres figés au cœur des tabernacles gigantesques, — formaient l'unique population de la cité lointaine et sans vie. Et Euthée songea aux saintes mortes le jour de leurs épousailles, et en allées du monde pour ne pas ressentir le baiser de la chair. On les mettait dans leurs tombeaux avec leurs couronnes de perles, avec leurs rieurs et leurs bijoux et leurs robes de fête, et après des siècles on les retrouvait parées de leur sourire de vierge et de leurs bagues nuptiales. Puis, en réfléchissant ainsi, le bienheureux du moyen-âge arriva au bord d'un large fleuve qui se jetait dans une mer d'argent. Et là il s'assit sur les quais, à l'ombre orfévrée d'entrepôts magnifiques et il regarda les tourelles aux coqs étincelants, ou aux croix somptuaires, et écouta le silence profond de l'espace. Comme il avait des yeux de rêve, il s'imagina l'événement qui avait changé Nazareth en une ville d'or. C'était par une belle matinée de mai et les aubépines étaient en fleurs dans les jardins de Nazareth. Il faisait un temps de soie bleue; les rues s'étaient réveillées pleines de gaietés d'alouettes et de soleil. Les girouettes miroitaient auprès des pigeons blancs qui volaient sur les toits ; des fauvettes chantaient dans les cages pendues aux façades, près des fenêtres ornées de géraniums. Oh! la douce ville! Il y avait des bouquets au marché, de tendres bou quets de printemps, en masses touffues et fleurant l'odeur des prés et le par fum des bois, des bouquets d'idylle pour les jeunes bourgeoises, pour les ouvrières et pour toutes les fleurettes. Il y avait des violettes et des pâque rettes, des muguets et des muguettes, — ô la douce ville que c'était, la douce ville! Les chansonniers y eussent trouvé des refrains partout, sous !.les treilles qui échauffaient les façades de leur or jaune, dans les cabarets, où l'on buvait des bières cordiales, sous les marronniers aux verts clairs des places, où des enfants tournaient en jolies rondes.