Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/354

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— 346 rappelé bien des vieux rencontrés dans un pareil état de misère et de déla brement. L'autre groupe que nous voulons mentionner, c'est un buste de Mme Lagae, tenant en ses bras, debout sur l'appui d'une fenêtre ou d'un balcon, son bébé nouveau né, revêtu d'une robe flottante à larges plis. Ils regardent tous deux devant eux, probablement le sculpteur, leur ami, qui les éternise en un moule de terre, et leur expression à tous deux est char mante, celle de la mère de douceur et d'amour, celle de l'enfant de curio sité de vie qui s'éveille et qui regarde devant lui de ses grands yeux étonnés toutes les choses qu'on devra bientôt lui expliquer et faire comprendre. Dans son groupe des condamnés, M. Jules Lagae a mis toute la pitié qui est en lui; dans le second groupe qu'il doit considérer lui, comme celui de la madone avec son divin fils, il a mis outre l'amour réel qu'il a pour toutes les choses vivantes, l'amour profond quil a pour sa femme et pour son enfant et les auréolant de cet amour sincère, il en a fait une œuvre sincère, touchante et qui restera. Exposition intéressante donc, qui classe M. Jules Lagae parmi les véri tables artistes et nous permet de n'en espérer dorénavant que de belles œuvres. Olivier-Georges Destrée CHRONIQUE LITTÉRAIRE La Débâcle, par Emile Zola. — La Fin des Bourgeois, par Camille Lemonnier. — Contes à la Reine, par Robert de Bonnières. — Les Hori\ons hantés, par Jean Delville. e nouveau roman de M. Emile Zola, La Débâcle, a soulevé, en France et ailleurs des acclamations presque universelles, dont il serait puéril et naïf de s'étonner. L'œuvre du naturaliste de Médan s'adresse à la foule, et la foule peut, en se frottant à cette œuvre, y caresser sa médiocrité. Qui dit succès de foule, dit nécessai rement succès de presse. La foule inspire à la presse des jugements que la presse lui rend formulés, tirés à cent mille exemplaires, et qu'un nombre décuple de lecteurs mâchent et se repassent mal mâchés. La critique des journaux quotidiens, après avoir combattu sottement le naturalisme à son aurore, se prosterne aujourd'hui, tout aussi sottement, devant le natura lisme à son déclin. Quand la critique en est là, il ny a plus de critique. Il n'y a plus qu'une espèce de reportage qui se jette avec la même avidité sur le dernier roman et sur le dernier crime, et qui court, avec une frénésie égale, à M. Emile Zola ou à Ravachol. Passons.