Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/360

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—352— Pareils à un désir de dieu exhalé vers une sainte, Les lys qui dans tes mains profanes ne se profaneront, Dédaignent tes seins nus et tes lèvres famour en plainte, Et tendent leurs baisers blancs vers l'astre - au delà de ton front ! Mais, en revanche, — la triste revanche ! — que de poèmes sans forme, que de strophes claudicantes, que de vers infirmes, qui se traînent au Heu de planer I Et quelle langue, quelle grammaire, quelle syntaxe et quelle pro sodie! Jamais poète français n'avouera des monstres pareils à ceux-ci : On eût dit son corps de tous les astres pénétré... De ceux restés doux sous les déchiquetures... Vestalement rêve son âme d'albes candeurs... Et M. Jean Delville prend encore beaucoup d'autres libertés. Il écrit sans sourciller : Le saint reniement à ses stupres infâmes, convaincu, sans doute, que reniement et renoncement c'est tout un. Il se dit cérébralement triste de sa pensée, ce qui n'étonnera personne, et il nous annonce que L'âme seule a survi dans la mort des luxures ! Je crois que si j'avais conjugué ainsi le verbe survivre, je n'y aurais point survécu . J'ai honte, assurément, de devoir formuler de telles critiques, mais c'est M, Delville qui m'y force, M. Delville et plusieurs de ses amis. L'anarchie artistique est aujourd'hui à son comble. Non seulement cer taine critique dispense les écrivains de connaître la langue et les lois les plus élémentaires de la logique, mais elle commence à leur faire un mérite de ces deux défauts. Tendre à la réalisation la moins imparfaite de son rêve, c'est se décerner un brevet d'infériorité. Le travail patient, le labeur sacré, les saintes angoisses d'un Flaubert ou d'un Baudelaire, duperie ! Il n'y a plus de grammaire, plus de syntaxe, plus de langue. Les mots ont le sens que veut bien leur donner l'écrivain. Le pléonasme est une force, le barba risme un trait de grandesse, le beau c'est le laid, et ce n'est plus Apollon qu'il faut placer dans la cour du Belvédère, — mais l'effigie du Catoble- pas ! Quand on a du génie, — et quel est le débutant qui s'en croit dépourvu ? — non seulement on n'a plus rien à apprendre, mais il est dangereux d'ap prendre. Acquérir du talent, c'est perdre du génie. L'âne est roi, et ses deux longues oreilles sont plus belles que les tours de Notre-Dame. Avez-vous du génie ? Eh bien ! plongez-vous tout entier dans un vaste encrier, et quand vous serez, du haut jusqu'en bas, imbibé d'encre, jetez-vous sur une feuille de papier à votre taille, et des mains, des pieds, du dos, de la tête, des oreilles, des cheveux, du nez, et de la moustache, écrive\-vous sur ce