Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/384

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—376— pour la première fois de sa sainte faiblesse, abdiquant dans un baiser de totale communion, toute son illusoire supériorité. Pâmée contre la poitrine d'Emond, elle se sentait mourir, s'abîmer dans un océan de charité. Si le néant l'attendait au bout de ce vertige, elle se réjouissait d'agonir, d'expirer avec lui, confondus pour jamais. Autour d'eux l'univers fulminait la répro bation et l'anathème, mais l'essor, la flamme de leur amour n'en jaillissait que plus démesurée. Et plus on les couvrait d'opprobres, plus ils appro chaient du zénith des béatitudes. Ils échangeaient leurs êtres, leurs destinées, leurs aspirations et ne se reprenaient qu'afin de pouvoir encore se donner plus totalement. Mystère où la fleur possédait la saveur du fruit, le fruit le charme et le parfum de la fleur. La dose, la mesure de félicités divines que peuvent s'assimiler sans éclater les fragiles prisons de nos âmes, nos amants l'épuisèrent en une seule nuit. Il connurent tout ce que l'amour ouvre d'échappées sur le ciel. Georges Eekhoud NATIVITÉ Noël! Noël! Noël! mes doux vers parfumés Se sont épanouis en fleurs miraculeuses Et je nais souriant de leurs gerbes neigeuses Dans les lys merveilleux des buissons enflammés. En mes strophes de fleurs mélodieuses, tel Qu'en un monde idéal je me suis recréé, Tranquille et beau, par moi-même déifié. Je rayonne aujourd'hui dans mon rêve immortel. Me voici, confiant mes lèvres et mes yeux Au bonheur ingénu de l'aurore enfantine Où l'abeille d'a\ur de mon âme butine Les lèvres et les yeux qui s'ouvrent sous les cieux. Les roses des baisers, les langues des feuillages Enlacent leurs baisers autour de mon berceau Et lasses des baisers retombent en fuseau Dans la fontaine claire où rêvent les nuages.