Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/386

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—378— J'enchanterai vos cœurs qu'emportait la chimère A travers les espoirs vers de nouveaux mirages, D'un doux rêve plus doux que les plus doux breuvages Et vous vivre\ en vous d'ivresse et de lumière. Et d'un geste béni je ferai de vos âmes Un autel radieux d'or et de pierreries Où, sous le dôme ardent des étoiles fleuries, Je sourirai parmi les roses et les flammes. Valère Gille POÈMES EN PROSE LE TRIOMPHE DE L'AMOUR A M. Ford-Madox Brown élivré de sa suite importune, le roi marcha seul jusqu'au rivage de la mer. Gris et voilé, le jour avait paru; de grands nuages de pluie pendaient au ciel et les pluvieuses nuées, ménagères de tristes pensées, voilaient la quiétude de son cœur. Le roi contemplait les vagues de la mer. Elle s'étalait à l'infini, toute verte, avec de longues boucles d'écume flottant à l'horizon comme des guir landes dénouées, et l'ombre des nuages l'obscurcissait par places et la ren dait menaçante et mauvaise. Au gré des vagues, au bruit des vagues flottaient les rêves du jeune roi. Il regardait loin dans la mer le blanc vol des oiseaux rapides et sa tristesse s'augmentait à ne pouvoir les suivre lorsqu'ils disparaissaient dans la brume et les vapeurs lointaines. Avec les oiseaux, rasant au loin les vagues de la mer, avec les blancs oiseaux s'envolaient ses pensées, vers des terres et des îles heureuses et inconnues, vers les clairs pays de son rêve, embellis par la dame de ses espoirs. Mais les oiseaux se perdaient dans la brume et ses vapeurs lointaines, la mer se faisait plus sombre et dans son immense voix pleuraient de longues plaintes, grondaient des soupçons et des trahisons, planaient des lamenta tions et des deuils et le pâle cortège des illusions perdues.