Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

-3i— étaient pavoisées et les Nazaréens connaissaient l'intention du Seigneur d'aller, avec tous ses disciples, vers Jérusalem. Ils savaient depuis longtemps, d'ailleurs, qu'un être blanc était des cendu du ciel. Ils se rappelaient la nuit de Noël où ils étaient allés à Bethléem, le long des chaussées couvertes de neige et de givre ; ils se sou venaient des baptêmes d'or qu'ils avaient vus aux bords du Jourdain et le bruit des miracles était parvenu jusqu'à eux. Jaïre, l'orfèvre d'Yperdamme, qui venait leur acheter des ciboires et des croix processionnaires, avait conté comment sa fille morte avait ressuscité par un matin de fête, tandis qu'Yperdamme recevait des gildes et des rhé- toriciens. Ils avaient ouï l'histoire des noces de Cana et de la belle-mère de saint Pierre. Et le jour de la pêche miraculeuse, des pêcheurs étaient venus dans leurs murs en parlant de marées bénies et de la gloire du Seigneur. Ils avaient aussi vu des mendiants, jadis privés de la vue, et qui avaient traversé leur ville, plus tard, avec de la lumière en leurs prunelles. Et des boiteux marchaient très bien, et des muets parlaient, et des sourds entendaient, et des possédés du démon avaient, en un crachat de flamme, rejeté l'esprit malin logé dans leurs entrailles. Les Nazaréens s'étaient pénétrés des doctrines spirituelles de l'homme vêtu de blanc, qu'ils croyaient avec ferveur le fils de Dieu. Habitués à ouvrer le mobilier splendide qui orne les cathédrales du Seigneur sur la terre, ils parlaient souvent des légendes célestes. Les vieilles au rouet les contaient chaque soir aux enfants; les artisans les taillaient dans le chêne, dans le marbre et dans l'or. Et comme tous étaient ainsi préparés aux extases et aux apostolats, ils attendaient qu'il plût à Jésus de visiter leur ville. — Levoilà! Levoilà! Les orgues résonnaient dans les églises et leurs fugues s'exhalaient par les portails ouverts, comme des plaintes joyeuses, tendres et héroïques des grands temples qui semblaient prendre de la vie à l'approche d'un dieu. Alors, les cloches se firent entendre, comme au couronnement d'un prince, battant l'air bleu à toutes volées, avec des voix extraordinaires de douceur, oh! si douces que les sons qui volaient sur des ailes de bronze étaient tels que des tourterelles, et ils s'éparpillaient en bandes claires dans l'espace. Les carillons brodaient des dentelles d'argent au ciel et faisaient, au-dessus de la ville, un dôme de voix angéliques, élevé sur la mêlée des bourdons et des tocsins aux enthousiastes et vibrantes clameurs. Et dans ce chœur déchaîné de profondes chansons triomphales et de clartés suaves, où l'on devinait des exaltations de prophètes et des babil lages de chérubins, il faisait ûn soleil éclatant, qui semait dans le champ