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Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/40

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—32- résonnant des cloches les lys de sa lumière et les oranges de son incendie, et qui disputait, à coups de flèches d'or, à l'azur éternel, l'espace hosan- nique en ce jour. Les bannières se déroulaient et flottaient aux fenêtres, aux pignons et aux tours, déployant leur lyrisme au-dessus de la foule. Tous les drapeaux et les tapis de Nazareth avaient été arborés aux balcons. Un vent d'ivresse les faisait serpenter et se balancer comme des encensoirs ; il y en avait avec des têtes de christ couronnées d'épines, d'autres avec des vierges au cœur saignant transpercé de glaives. Aux hôtels nobles flottaient des lions héraldiques, aux couvents des images de saintes et de martyres. Et les bateliers avaient hissé, comme à Noël, leurs oriflammes des grands jours. C'était un triomphe de soierie et de velours, et les hampes accrochées aux façades étaient les mâts dressés de voiles cinglant vers des pays de ferveur et de richesse. Toutes les couleurs, belles comme des princesses, opulentes comme des rois, douces comme des aurores, ou superbes ainsi que des gestes d'empereur, avec des chatoîments dérobés aux soleils couchants et des caresses empruntées au printemps des grandes prairies, — toutes" jeunes ou graves, sanglantes ou vierges, organisaient dans la lumière une splendide harmonie, dont les échos se prolongeaient le long des rues, s'arpégeaient aux flancs des tours de la cathédrale, encombraient les per spectives vibrantes de matin et de joie, d'un paradis de fleurs glorieuses et d'emblèmes mystiques. C'était un festival d'étoffes heureuses et croyantes, où l'on entendait comme le frisselis des bleus calmes des mers, le souffle des vents à travers les roses, les tournesols, les primevères, les trémières, où s'écoutaient les orgues blancs des plantations de lys et le réveil des tulipes. Le soleil faisait chanter les oiseaux tissés dans les plis des ban nières, et généreux, il ouvrait ses trésors au ciel pour en laisser tomber des couronnes, des écus, des paillettes et des globes ignés qui se fondaient dans la liesse des décorations de cette kermesse auréolée de soies, de satins et de moires. Les habitants de Nazareth eux-mêmes étaient étonnés de l'effet prodi gieux de leurs draperies, de leurs gonfalons, de leurs bannières, de leurs guidons et de leurs étendards battant comme des tambours. Ils se disaient que le ciel se mêlait à eux et les aidait à dresser des haies de fête au Sei gneur. Il avait envoyé des bouquets de lumière, des gerbes d'espace et d'in fini, dont les pistils et les épis s'éparpillaient à travers les rues encombrées. Des jubés célestes descendaient des torrents de musiques invisibles et aériennes, dont les mélodies, les marches et les gammes chromatiques fai saient dans la ville le plus merveilleux concert qui eût jamais retenti au- dessus de ses toitures festales.