Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/395

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—387— en fête, dans l'azur semé d'étoiles recouvrant les champs endormis : Gloire à Dieu dans les nuages qui passent, dans le vent qui souffle dans les voix confuses de l'immense mer mugissante; gloire à Dieu dans les vivifiants sourires de la rosée du matin et dans l'harmonieuse paix des soirs, dans les roses levers de l'aurore et les blanches lueurs de l'aube, dans les couchants aux yeux de flamme et les ténèbres de la nuit, gloire à Dieu qui vit dans de simples âmes et dans la paix des cœurs, gloire à Dieu, notre Seigneur. » Ainsi chantent les anges, et leur voix cristalline éclaircit au-dessus d'eux l'azur attentif ; et s'émerveillent et chantent avec eux tous les oiseaux du paradis ; les roses énamourées s'ouvrent et palpitent aux haies bien taillées ; sur les gazons se répand en pluie parfumée la blanche floraison des arbres d'été, et de nouvelles fleurs s'épanouissent et s'ouvrent plus éclatantes à leur place. Et sur la terre la voix des anges, le chant des anges, gonfle de joie et d'amour le simple cœur de la pauvrette. Elle les reconnaît et se souvient les avoir vus passer et glisser sur les rayons lumineux qui traversent les vitraux de l'église : devant ses yeux éblouis elle voit passer les merveilles du monde, le ciel radieux, le ciel bienheureux, le soleil énorme, la lune et les étoiles innombrables, les champs, les plaines, les bois, les étangs, les montagnes neigeuses et les nuages éblouissants flotter sur la mer sans limites ; et dans son cœur extasié, pareil aux fleurs célestes de là-baut, il lui semble que la nature tout entière se meut et se transforme sous l'œil tranquille du créateur. Des cloches encore, de lointains sons de cloches lui parviennent ; une grande prière semble monter des tours et des campaniles des églises de toute la terre; et dans le grave concert de cloches sapaise enfin son cœur passionné tandis que ses «pauvres yeux rougis de veilles et de larmes s'illu minent et se sanctifient aux suprêmes visions élyséennes. Tout au fond des jardins du paradis s'étend un grand lac éternellement couronné de lotus, de blancs nymphéas et de nénuphars. De grands champs de lys courbés en prière par les souffles célestes le bornent et s'inclinent sur les rives. Les brises embaumées courbent les tiges des fleurs vierges. Ave, Ave, chantent les lys prosternés ; Alleluia, Alleluia, murmurent les rivières qui s'écoulent et chantent par-dessous les fleurs saintes. D'albes vapeurs montent des fleurs et des eaux du lac invisible. De neigeux nuages de velours se forment et s'arrondissent, s'amoncèlent par-dessus les autres, formant les degrés d'un trône, transpercés de lumières et de rayons à mesure qu'ils s'élèvent. De blancs arcs-en-ciel l'éblouissent, et tout à coup elle voit — en des cercles de lumière, et de nuage, et d'or, et de lumière — devant