Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/403

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-395- vole vers la tente céleste, — et si le soleil, dans sa gravitation, — venait en ce moment à s'éteindre, — elle s'élancerait sans tarder — vers le soleil obscurci, — le fixerait du regard rien qu'un seul instant, — et le soleil retrouverait tout à coup — ses rayons abolis. — Mais alors encore, mon imagination ne s'arrête pas dans sa course vertigineuse, — son impatience la poussant — vers les images stellaires les plus éloignées — et où seulement, dans les espaces vides, — aucun son plus ne résonne; — là elle crée des mondes nouveaux — avec sa toute-puissance. II Ma Douleur et ma Joie. Non, aucune douleur — n'a jamais ressemblé à ma douleur ! — Ah ! quand je souffre, — ma poitrine est comparable à un antre de lions — et, là-dedans, mon cœur à l'agneau ! — De leurs griffes et dents — les lions féroces le déchirent; — ils boivent le sang, — ils rongent les os, — ils sucent la moelle — du pauvre agneau, — ces lions affamés !... — Mais aussi aucune joie — n'a jamais ressemblé à ma joie ! — Ah ! quand je me réjouis, — ma poitrine devient un paradis, — une rose, là-dedans, c'est mon cœur. — Tendrement chantée par des rossignols, — cette rose joue avec les rayons du soleil — et avec des papillons diaprés; — alors vient un ange : — il la cueille, — il l'embrasse et la pose — sur son sein — et s'en vole avec elle vers le ciel. III Le Nuage et VÉtoile. Lorsque le Seigneur eut créé l'homme, — le souci monta à son front — et s'y transforma — en nuages, en éclairs et tonnerres. — Mais quand Dieu eut créé la femme, — il versa des larmes de joie, — et les gouttes de ces larmes divines — brillent maintenant encore : — l'essaim des étoiles. IV Le dernier Homme. Qu'est-ce au-dessus de moi? — Le ciel ou une voûte tombale ? — C'est un caveau mortuaire, où la terre, — ce cercueil gigantesque, repose finale ment. — Qu'est ce rayon là-haut ? — Le soleil ou une lampe funéraire ? — Oui, c'est une lampe sépulcrale, dont les rayons — lassés et presque éteints — sont colorés d'une pâle lumière orangée — par la sombre nuit du tom