Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/404

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—396— beau. — Il fait silence partout I... — Mais quel est donc ce tintement au sein de ce repos muet? — Sont-ce des chants d'oiseaux ou des chants de vierges? — Point ! ce sont des vers — en train de ronger dans les cercueils les habitants — qui, raides et les yeux clos, y reposent. — Oui, les yeux sont clos, — ces yeux qui jadis ardaient — des étincelles d'amour et de haine ; — à travers lesquels, autrefois, apparaissaient si ignoblement — la fierté, la malveillance, la morgne, la lâcheté, — comme quand aux fenêtres des maisons publiques — apparaissent des filles de joie. — Les yeux sont clos, le cœur est glacé, — ce petit enfer qui fut le séjour d'innombrables démons et où brûlaient les bûchers aux flammes inextinguibles des péchés humains. — Maintenant tout est fini : — maintenant dorment enfin — l'opprobre, la trahison à l'ami et à la patrie, — et, à côté de ces monstruo sités, — les morsures de la conscience vengeresse. — Tout cela est mort depuis bien longtemps, — la génération actuelle — ne connaît ces choses que d'ouï dire. — Tout est donc fini ; tous dorment, — les cœurs ne battent plus, les yeux sont aveugles; — moi seul je suis encore vivant — dans ce vide épouvantable, — dans ce caveau mortuaire calme et désert, — et où, plongé dans mes pensées, j'attends un hôte : — la Mort qui tarde trop de venir. — « Pourquoi, ô Mort, ne viens-tu pas? — Tu crains peut-être que je te résisterai? — Oh ! ce que je fus jadis, je ne le suis plus actuellement ; — moi qui autrefois, plein d'un courage insensé, — bravais l'Univers et le Destin!... — Viens, je ne te résisterai guère, — pas plus qu'un son bien doux — ne résiste à la tempête qui le disperse, » V L'Arbuste et la Tempête. Souffle plus doucement, tempête, ô toi le compagnon des esprits courroucés, — afin que ta rage ne détruise lombre de mon buisson! — Je suis un temple sacré, et ce nid est un autel, — et Philomèle est la prêtresse de cet autel aérien. — Ne la trouble point! Ses chants glorifient Dieu, — de même que la sainte mère du Tout infini — la nature. VI Le Royaume de l'Amour. L'autre jour j'avais rêvé. — Éveillé ou endormi ? je n'en sais plus rien, — seulement, ce dont je suis certain, c'est que j'avais rêvé. — Ma main