Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/415

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—4«7— ses chansons et de ses sonneries, les bruits étouffés sous la lourdeur acca blante des heures, renaissaient ; et la vie en une explosion de rumeurs gaies, s'effarait délivrée. Du fond des stalles, elle montait en bêlements d'impa tience, en grognements de bonheur ; sur les porches, les sabots claquaient sonores; les huis battaient frénétiques sous l'irruption des bêtes et les escourgées fiévreuses chaquetaient. Et puis c'était l'heure bonne du marai- dage ! C'était l'heure douce donc enfin advenue Jdurant laquelle il était permis de s'étirer une miette, de prendre un coup de plaisir en flahutant de-ci, de-là. Et les gars accouraient apostropher la herdeuse de gaillardises. « Eh ! la Monparonne, lui criaient-ils, est-ce vrai, eh donc, que tu raga- delles, avec tes amoureux, toujours plus fort que tes biquettes ensemble ? Tes bouchettes sont-elles encore bonnes ? Voudras-tu danser avec nous autres à la ducasse qui vient ? » « Tas de grands losses, leur répliquait-elle, ce ne seront pas toujours de beaux fâmeux comme vous autres qui me feront ragadeler ! car vous avez tous la gelée entre les fesses quand une garcette vous reluque en face ! . . . Venez y renifler, pour voir, si mes bouchettes sont bonnes ; vous n'oseriez mie, tas de chie-vert !... J'danserai avec vous autres quand vous ne tremblerez plus, devant les filles, comme des couvées de rouges-gorges, savez ! » Les compères, piqués au vif, tout rassotés par ces vives retoquades, conti nuaient leurs endêveries. Elle ne cessait pas, non plus, ses vertes et lestes retapées, voulant à la parfin rester maîtresse. Entre elle et eux, au long des rues, c'était un assaut acharné de plaisanteries, un chassé-croisé d'attaques joviales, de ripostes savoureuses. Et jusqu'aux confins du village, souvent même jusqu'à ce qu'elle était déjà décroissante là-bas, derrière ses bêtes, en la poussière de la grand'route, elle avait à ses cottes des théories de pour- chasseux.

Il y en avait de toutes les sortes et de toutes les conditions : de ceux-là qui sont riches, musardant en bottes molles, la carnassière au dos, sifflant leurs chiens ; puis de ceux-là qui vont, trimaillant par les champs, de la rosée de l'aube à la nuit défaillie, des pitaux aux culs ronds comme des possons de bière, aux braies plus gonflées que des panses de cornemuses ; et encore de ceux-là qui ne sont que des grands Mandrins, des porte-mal lette routant toujours devers les vaux ! En sa fraîche saison, la Monparonne, malgré les ironies dont elle repla quait tous ces suiveux-là, malgré ses moqueuses allures vis-à-vis d'eux, n'en avait pas moins pourtant cédé bravement des fois et des fois à maints