Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/422

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-4i4— « Le dernier numéro du très vivant journal Le Mouvement littéraire révèle une situation tendue entre deux groupes de notre jeune école. On en est à l'échange des filets, entrefilets, lettres et articles désagréables. Les personna lités mordantes affleurent. Naturellement, la galerie, représentée par l'en nemi commun, commente, excite et applaudit. Quel ennui de voir ainsi renaître périodiquement des discussions que le sentiment des vrais intérêts de notre renouveau littéraire devrait étouffer dans l'œuf. Nous avons tant d'adversaires à combattre et à écraser. C'est là qu'il faut vider nos poches à fiel si vraiment nous ne pouvons en résorber le contenu. Entre jeunes, tous désireux de pousser en avant, il ne peut y avoir que des divergences d'écoles dans l'unité de notre belle transformation artistique. Comprenons que ces divergences mêmes sont un témoignage de vitalité et n'en faisons plus le prétexte de querelles envenimées. Ne nous donnons pas les uns aux autres des coups de coude dans nos rangs pressés. Frappons tous l'ennemi qui essaie encore de nous barrer la route et qu'il faut enfoncer. Mieux vaut se taire que de livrer au public la puérilité de ces disputes de ménage. Le vrai talent n'est pas à ce point susceptible. Con fions-nous au temps qui met tout à la vraie place, hommes et œuvres. » L'Art moderne a raison de prêcher l'union et d'invoquer les vrais intérêts de notre renouveau littéraire. Mais il servirait mal la cause qu'il défend s'il travestissait la pensée et les intentions de ses confrères. Or, que dit-il? Il parle de situation tendue entre deux groupes, de disputes de ménage et de divergences d'écoles. Il n'a jamais été question de cela. On n'est pas un groupe parce que l'on commet, à soi seul, autant de fautes de grammaire et de'syntaxe que tous les méchants écrivains de tous les pays et de tous les temps ensemble. Je ne me suis jamais mis en ménage, que je sache, avec les professeurs de pata quès et les écorcheurs de fiançais. Et quant aux écoles, il ne suffit pas d'en commettre pour en fonder. Il peut y avoir des vaches espagnoles dans toutes les étables. Je demande simplement qu'on ne prenne pas leur meuglement pour du français, et qu'on ne tue pas notre renouveau littéraire sous le ridicule. L'Art moderne, j'en suis convaincu, reconnaîtra galamment son erreur. De mon côté, s'il parvient à me démontrer que le macaque flamboyant est du français, je retire tout ce que j'ai dit. Amen !

M. Edouard Dujardin nous gratifie d'une nouvelle tragédie moderne, intitulée : Le Chevalier du passé, deuxième partie de la Légende d'Antonia. Les personnages, éminemment modernes, de cette tragédie moderne, s'appellent le plus modernement du monde : la Courtisane, les Floramyes, Rosea, Aurea, Gemmea, Sidérea, le Veilleur, trois Voyageurs, un Jeune Homme, un Vieillard, l'Aïeul et le Chevalier. Ces personnages d'une modernité accomplie échangent des vers destinés à rester modernes pendant toute l'éternité.