Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/424

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

—4i6— Si quelque lecteur ingénu me demande pourquoi cette œuvre est romane, je lui dirai franchement que je n'en sais rien. A moins que la poésie romane ne consiste à faire une salade avec des queues de strophes de Ronsard, à écrire « avecques », à remplacer Calliope par « Callioupe », et, quand le poète y pense, à supprimer l'e muet : ... Puis, 6 vous, beau-chantante troupe, Fetef .' puis 6 vous et chantej Celle mieux chère à Callioupe Pour qui va tonner dans la coupe Le vin de l'Immortalité. Tu sais, si mon bras, grave aux taures. Les a pas, beuglantes, courbes. Et si j'ai, vidant sa pléthore, Plongé dans la tripe au Centaure Toute la longueur de l'épi : Et voilà ! Je parie que le Second Livre Pastoral de M. Maurice Du Plessys relèvera d'une autre école que l'école romane, et qu'il sera dédié à d'autres pasteurs. Si M. Maurice Du Plessys a pour pasteur M. Jean Moréas, M. Pierre Dévoluy a pour pasteur M. René Ghil. Bois ton sang — c'est le titre du livre de M. Pierre Dévoluy — est une œuvre très disparate, où les nombreuses influences subies par le poète finissent par se fondre dans une inquiétante admiration pour M. René Ghil. Je dis « inquiétante » parce que M . Pierre Dévoluy a des dons de poète, et parce que M. Ghil est inimitable. Si M. Pierre Dévoluy voulait, il aurait beaucoup plus de talent que pas mal de rimeurs par à peu près, qui donnent aux lecteurs distraits l'illusion du poème. Mais il faudrait qu'il renonçât, non seulement a la manie, un peu provinciale, d'arborer des préfaces de complaisance, mais à la badau- derie littéraire qui énerve la jeunesse française. S'il faut absolument suivre quelqu'un, — on suit toujours un peu en art, qu'on le veuille ou non, — mieux vaut marcher derrière un maître de génie qu'emboîter le pas à des novateurs forains, dont le seul désir est de prendre place un jour, à force d'extravagance et de niaiserie byzantines, dans le Panthéon des toqués. Il serait temps, je pense, de faire le vide autour de M. René Ghil — similia similibus — et même autour de M. Jean Moréas, qui est un gentil brodeur. Il serait temps, surtout, de renoncer a l'écolâtrie artistique et de saluer d'un large éclat de rire les marchands d'orviétan qui se flattent de régénérer la poésie française à coups de proclamations blanches et de théo ries stériles. J'ai lu récemment, dans un journal du Pas-de-Calais, à la quatrième page, cette ébouriffante annonce : -