Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/426

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—418— de Dominical lorsque le nom et les articles de certains lundistes seront oubliés. L'Envol des Rêves, de M. Arthur Dupont, est un recueil de vers très honorables dans leur ensemble, et dont quelques-uns ont du charme et du brillant. M. Arthur Dupont n'atteint pas encore à la fermeté d'accent et à la maîtrise de M. Elskamp; mais il se recommande par des qualités de jeunesse et de verve qu'il serait injuste de mépriser. On a presque reproché à M. Arthur Dupont l'ordonnance et la correction de ses poèmes. Je l'engage vivement à n'accepter ce reproche que sous béné fice d'inventaire. Assurément, la langue de l'Envol des Rêves est d'un écrivain correct; assurément aussi la plupart de ses poèmes sont convena blement ordonnés; mais qu'il ne l'oublie point : la correction et l'ordon nance ne suffisent pas à la réalisation de la beauté. Il existe dans l'œuvre d'art vraiment belle une sorte d'harmonie mystérieuse, qui ne peut se passer de ces qualités, mais dont ces qualités indispensables ne démontrent pas l'existence. C'est cette harmonie mystérieuse qui manque un peu à l'Envol des Rêves. J'espère qu'elle se manifestera dans l'œuvre future de M. Dupont. •** Dom Laurent Janssens, professeur de rhétorique à l'école abbatiale de Maredsous, dédie « aux familles endeuillées d'Anderlues » un drame en trois actes et en vers intitulé Le Coup de Grisou. Le sentiment en est très louable, et les vers, d'un François Coppée qui serait entré en religion avant de rencontrer M. Catulle Mendès. M. l'abbé Hector Hornaert tranche violemment sur la masse de nos écrivains ecclésiastiques : il a du talent, un incontestable et vigoureux talent. Ses Ballades russes nous consolent de la sacrée littérature que, sous prétexte de littérature sacrée, de pieux grimauds déposent dans les revues orthodoxes. M. l'abbé Hornaert a des conceptions de poète, qu'il réalise en artiste, d'une main expérimentée et ferme. Qu'on en juge par le sonnet intitulé Peintre d'Icones : Dans l'atelier étroit, peuplé de chevalets, OU flotte une odeur d'huile et de peinture fine, Fidèle au manuel d'Athos, plein de signets, Le vieux moine achève une ic0ne by\antine. Il a fait sa prière en prenant son pinceau, Et lèche, avec la foi que son sujet mérite. Un Christ qui, roide et long, en son collant manteau. Bénit les Douje avec trois doigts, selon le rite. Et d'après la façon que le Maître prescrit, Il relève les chairs par de blanches hachures Et nimbe adroitement les têtes de dorures. Puis se levant, très calme, à son œuvre il sourit. Et pour la contempler dans sa juste lumière. Du pied, il pousse un peu son lourd siège en arrière.