Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/427

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-4i9- Les Ballades russes contiennent des morceaux de plus mâle allure, et entre autres des ter\a rima d'une belle et majestueuse sonorité. Mais les longues citations me sont interdites. Le sonnet que je transcris suffit d'ail leurs à démontrer que M. Hornaert est un vrai poète. U rne reste à signaler quelques œuvres en prose, dont plusieurs mérite raient une longue analyse Je ne dis pas cela pour Printemps sombre, une nouvelle écrite de verve, d'une plume lourmentée, par un débutant 2jui aura du talent un jour, mais pour l'étude de M. Stéphane Mallarmé sur Villiers de l'Isle-Adam, hommage respectueux et discret rendu par un noble artiste à un génie douloureusement inégal, pour le tome XIII de les Œuvres et les Hommes, de Barbey d'Aurevilly, sous les doigts de qui les mots, charmants ou terribles, sont des fleurs ou des épées, et pour la Fin des Dieux, le beau drame de M. Henri Mazel, où la lutte entre le paganisme et le christianisme est décrite d'une manière originale, par un écrivain au style souple et fort, amoureux de gracieuses fictions et de merveilleuses légendes. Quant au livre de M. Emile Leclercq, Les Amours Mortelles, il n'a aucun rapport avec la littérature. Ce livre est le dernier effort de l'école du pot-au-feu, représentée naguère chez nous par une constellation d'épiciers budgétivores, et dont M. Emile Leclercq est aujourd'hui le suprême débris. C'est la tragique histoire d'un avocat que la jalousie mène au suicide, et d'une grand'mère qui se saoûle avec de l'eau de Cologne. Voici quelques extraits caractéristiques : « Il est arrivé beaucoup de monde depuis huit jours. — Oui, nous sommes envahis. — Le contingent bruxellois a surtout augmenté Hier, on se serait cru, au Casino, à un concert du Cercle artistique : j'y ai vu les Van Esse, les Reynaert, les De Ridder, les Cortenne et cinquante autres, tout frais débar qués, et qui se montraient là en leurs plus jolis atours. Il n'y avait pas jusqu'à Mme Cortenne, qui égarait mélancoliquement ses yeux bleus dans la foule, comme si elle avait perdu quelque chose... — Ou quelqu'un... Et puis, son mari l'accompagnait sans doute. — Oui ; double cause de mélancolie. — Alors, vous croyez que ce qu'on raconte est de l'histoire? — Mon Dieu, ma chère, je ne sais. On dit qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Et puis, avouez que, quand on appartient à un M. Cortenne, il doit être permis de protester. — Protester est joli!... Protester dans une chambre d'hôtel, en la société d'un... monsieur! — Je ne vous en dirai rien ; on raconte tant de choses ! Je pensais seule ment qu'un M. Cortenne, brutal et, dit-on, débauché, mériterait bien la justice dont on parle dans la Bible : œil pour œil, dent pour dent. A coup de canif, coup et demi! » A noter aussi le portrait d'Alice Liétenard, connue depuis neuf ans dans le monde de la bourgeoisie moyenne, du médium aisé :