Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/434

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

—426— expression à la veille de la vulgarisation de Parsifal, n'a pas eu ici son expansion complète. Au moment où Bruxelles allait offrir un centre d'inter prétation française à l'œuvre de Wagner et à tout le drame lyrique restauré par lui, le mouvement a dévié. On a repris des choses comme le Pardon de Ploè'rmel, et le Théâtre de la Monnaie est redevenu une petite station de la banlieue esthétique où les trains internationaux ne s'arrêtent plus. Autour de cette station maintenant, c'est le silence; le wagnérisme, ce « suffrage universel » de l'esthétique publique, comme on l'appelait derniè rement, a eu sa réaction. On a inscrit le nom de Wagner au répertoire; le public pratique et commerçant que la petite station dessert, est retombé dans son marasme. Il s'y enfonce. Pour ce public, le wagnérisme n'était qu'une manifestation de la rue; l'agitation a cessé et, comme l'initiation n'était pas complète, la masse est revenue à ses amours faciles. Qu'a-t-on éduqué ? Des oreilles, rien de plus. Le public a pris de ce côté de nouvelles habitudes ; son ouïe s'est blasée sur l'audition des harmonies et des orchestrations nouvelles. Il n'entend plus, c'est pour cela qu'il se tait ; car n'entendre que par l'oreille, c'est la pire des surdités. Nous voilà donc loin du drame lyrique, car modifier des sonorités et enrichir l'orchestre, c'est, à peu de chose près, continuer Meyerbeer. Ce qui s'est produit ici ce n'est pas un recul, c'est un déboîtement. Il arrive que l'esprit des enfants se dérobe à une démonstration trop précipitée. Trente ans de propagande n'ont pas suffi à démontrer l'esprit de l'œuvre de Wagner à la foule. Le saut était trop brusque et la démonstration péchait par ses prémices. La foule ne voit rien au delà des richesses matérielles que le théâtre lyrique a amassées depuis le commencement de ce siècle, pour sa corruption. La démonstration est à recommencer d'un peu plus haut, c'est- à-dire des points de vue pris par Wagner lui-même chez les auteurs anciens. C'est pourquoi la fondation d'un théâtre lyrique historique serait oppor tune. Ce théâtre rendrait un peu de champ aux conceptions; il ferait moduler la pensée en reproduisant des œuvres inconnues, ou oubliées, d'époques passées où les ressources matérielles étaient moindres, mais l'esprit plus pur et plus élevé. Il nous ramènerait passagèrement à un art plus sobre et plus abstrait. L'œuvre de ce théâtre serait un succédané logique ou, pour mieux dire, le corollaire de ce qu'on a appelé le wagné risme. Ce n'est qu'en s'appuyant sur les classiques que Wagner a pu donner cette prodigieuse extension vers l'avenir au théâtre lyrique. Il est allé avec des richesses merveilleuses rejoindre ce théâtre au point de la lignée marqué par Gluck. A la rigueur, on pourrait dire qu'il n'a fait que corriger une