-434- là, sans foi ni loi! » Enfin, elle n'avait pas de cesse qu'elle n'eût empêché, par des manèges ingénieux, les entretiens trop langoureux, les embrassades trop expressives, les étreintes trop dangereuses, partout où elle pouvait promener sa surveillance, à la danse sur le terreau, aux tourniquets, partout! Et les amoureux penauds et vergogneux s'effaraient comme des moineaux sans queue; ils riaient parfois, mais du gros des dents, avec, derrière leurs efforts aux bonnes contenances, des rages sourdes, des méditations sour noises de vengeance. ., Ils se vengeaient, en effet, les marauds, bêtes et cruels, de quelle façon lâche ! Guettant les jours favorables où la Monparonne était douce, où elle errait comme une somnambule, berdellant, à part elle, de pauvres et trem blantes choses, ils se coalisaient pour leurs exploits sauvages. Quand elle passait, à l'heure de la sonre, enfoncée en ses imaginations pareillement à un qui, n'étant pas de chez nous, se serait égaré à la nuit close dans les tour bières des fagnes, ils prenaient un gros plaisir, les stupides ronge-cœur, à la lapider d'injures forcenées, à déchaîner aux cottes de la pauvresse des cha rivaris formidables. De leurs abois, de leurs miaulements, de leurs lapées de chaudrons, ils effrayaient ses bêtes. Elles caracolaient, éperdues, par les semailles et la Monparonne gibaudait derrière elles par les champs comme une génisse maigre que les taons font biser au temps des chaleurs. Elle cou- raillait de-ci, de-là, à droite et à gauche, titubant, tirant la jambe, s'essouf- flant à rassembler sa troupe éparpillée. Bientôt, elle était à moitié trépassée, hors d'haleine comme une gade gonflée de trèfle, tirant la langue ainsi qu'une pauvre chienne possédée de mâle rage. Et les bourreaux continuaient leurs avanies; leurs manigances duraient, duraient au long du chemin amer, par de raides dévallées, par des montées lépreuses et rousses empierrées de cailloux pointus, plus arides qu'un calvaire, jusqu'aux pla teaux accoutumés de pâture libre ! Là, les mauvais gueux la laissaient enfin. Et là, il faisait clair, lumineux, reposant, avec du vent au large, rendant pareilles les pensées à des viviers sous le ciel bleu. Mais la Monparonne était en un tel état de lassitude qu'elle ne prenait plus garde aux choses d'alentour; vannée de forces, elle laissait ses bêtes à l'abandon ; écroulée comme une sachée de loques, elle glissait au sommeil lourd et noir. Et le soleil dévallait, dorant les chênaies et les chau- mines fumaient pour l'ultime repas au loin, dans la vesprée, au-dessus des vergers; et les bêtes se lamentaient, s'encourant inquiètes, en larges taches
