Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/445

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-437- Petites études de poétique française II. — LE RYTHME | ristide Quintilien dit que « le Rythme est un système de temps disposés selon un certain ordre » . L'homme peut constater dans son propre corps des mouve ments rythmiques. C'est d'abord le mouvement des poumons ; la respiration soulève et abaisse la poitrine par alternances régulières. Un second mouvement rythmé se manifeste dans le battement du cœur. L'un et l'autre varient selon les émotions, tantôt s'accélèrent et tantôt se ralen tissent. Un troisième mouvement se révèle dans la marche. Chacun de ces mouvements se réduit, en dernière analyse, à un mouve ment de va et vient semblable aux oscillations du pendule. Il se décompose en un premier mouvement qui est ramené à son point de départ par un contre-mouvement compensateur, afin de recommencer indéfiniment le même jeu. La régularité de ces mouvements s'explique par la loi du moindre effort. C'est un fait qu'il faut à nos muscles moins d'effort pour répéter régulière ment un mouvement toujours identique que pour exécuter un mouvement équivalent d'une manière irrégulière. Essayez de marcher en ne faisant que des pas absolument irréguliers; un parcours de cent mètres effectué dans ces conditions causera beaucoup plus de fatigue et nécessitera beaucoup plus d'effort que si l'on avait parcouru la même distance au pas gymnasti que ou, tout simplement, au pas ordinaire. Chaque fois qu'un homme est spontanément porté à répéter un même geste ou un même cri, c'est spon tanément aussi que cette répétition est régulière. Sous le coup d'une émotion vive et agréable, l'homme simple et les ani maux supérieurs se sentent poussés à exécuter plusieurs fois de suite un ensemble de sons et de gestes. Le chien, heureux de revoir son maître, agite la queue en mesure et émet des aboiements joyeux, d'une sonorité presque identique, à des intervalles à peu près égaux. Le sauvage pousse des cris cadencés, réitère plusieurs fois la même exclamation et se met à danser, c'est-à-dire à mouvoir les bras, les jambes, la tête et tout le corps d'une manière régulière. Dans l'opuscule intitulé Origine et /onctions de la musique, Herbert Spencer dit à ce propos : « Les actions que nous fait faire un sentiment puissant tendent à prendre « une allure rythmée; pourquoi? Cela n'est pas facile à dire; mais elles y « tendent, il y en a diverses preuves. Ainsi le corps se balance d'avant en « 'arrière dans la souffrance ou le chagrin ; dans la souffrance ou l'agitation, « c'est la jambe. Danser, c'est encore une action rythmée qui est naturelle « dans les moments d'émotion forte. La parole acquiert par l'effet de l'exci- « tation un certain rythme : il est aisé de s'en apercevoir en écoutant un « orateur dans les grands moments de son discours. La poésie, qui est une