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Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/448

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—44°— CHRONIQUE ARTISTIQUE Première exposition du cercle « Pour l'Art ». — Expositions particulières. emblable au phénix, voici que l'Essor renait de ses cendres, purifié de sa vieillesse. Pour l'Art s'essaie à voler, ce qui vaut mieux que de réussir à ramper. Espérons qu'il aura le coup d'aile assez vigoureux pour rompre toutes laisses et échapper aux oiseleurs qui lui préparent une volière et lui dressent en piédestal un perchoir blasonné de pantacles. Les formes d'art les plus récentes et les plus en vogue sollicitent les membres du nouveau cercle, depuis le néo-impressionnisme, dernier abou tissement du réalisme, jusqu'à l'art de synthèse et de songe qui s'y oppose par réaction et attire à lui tous les nouveaux venus. M. Delville, qui n'est pas de ceux-ci, s'entraîne de plus en plus de ce côté. Une imagination vive et hardie, hantée de visions funèbres, la science du dessin expressif, manifestée dans la Camarde, dans l'Idole de perversité, dans un profil de femme d'un beau caractère, telles sont ses qualités qui dans ses grandes compositions, peu cohérentes et pauvrement peintes, ne se retrouvent pas au même degré. Parfois ses préoccupations de symboliste déclaré, qu'il aime à souligner d'un gros trait, l'induisent en des erreurs de goût telles que son portrait de jeune fille, dont le maniérisme trop explicite s'accuse encore par comparaison avec le Portrait noir et violet, non moins original, mais plus simple et plus vivant. Si M. Delville fait encore penser à Odilon Redon, M. Jacque, lui, est absorbé presque tout entier par Gustave Moreau et par Burne Jones, tandis que M. Ciamberlani, épris de la grandeur sereine de Puvis de Chavannes, en va rechercher le secret chez les Florentins. Deux débutants : un peintre, M. Fabry, qui fera des œuvres, pensons- nous, un sculpteur, M. Rousseau, qui en montre déjà d'étonnantes. M. Fabry ne se contente pas de résumer la nature, il va jusqu'à la violenter. Mais il fixe d'un art subtil certaines de ses figures, que de graves harmonies de fresques immobilisent dans leur mystère et dans leur accablement. M. Rousseau se montre en possession d'un métier admirable de souplesse. Le modelé de son torse Puberté a le frémissement de la vie jeune et ardente, ses figurines allongées une grâce onduleuse, et son Homme à la branche de chêne une ampleur épique. La nouveauté de la conception égale la per fection du travail dans le groupe intitulé Greffeur d'idéal, qui représente un artiste fièrement acharné à son œuvre douloureuse; nous espé rons que M. Rousseau le reprendra dans de plus grandes dimensions. Il surgit depuis quelques années en Belgique, à n'en pas douter, une nouvelle génération de sculpteurs qui réalise un art neuf quoique teinté d'archaïsme, plus libre, plus vivant, plus affiné, plus nerveux. M. Rousseau y figurera