Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/454

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—446— magnifiquement et peut-être y resterait-il plus fidèle encore, si la partie doctrinale de son épopée ne l'entraînait pas, de-ci, de-là, à des concessions regrettables. Quoi qu'il en soit, mainte page de l'œuvre s'éclaire d'un rayon de la vraie Beauté. L'éloge n'est pas mince lorsqu'il s'adresse à un poème épique racontant la vie de Jésus et qui fut écrit après la Fin de Satan. « Afin d'obvier à des déprédations et souhaitant se mettre en rapport aisé avec le lettré amateur de publications courantes », M. Stéphane Mal larmé publie chez Perrin un Florilège de vers et de prose qui, selon le poète, « peut suffire au public comme inciter chez lui la curiosité d'ouvrages luxueux complets ». Ce Florilège, orné d'une lithographie de Whistler, contient, parmi d'autres poèmes célèbres, les joyaux de prédilection qui s'appellent Apparition, Soupir, les Fleurs, le Cygne et Brise marine. Je déplore l'absence du chef d'œuvre intitulé Cette nuit. Quelques traductions de Poe, des extraits de Pages et de Villiers de FIsle-Adam complètent ce petit recueil, auquel la librairie Perrin voulut apporter des soins, un peu aveugles, je crois, car j'ai noté un alexandrin de onze pieds et cette étrange variante : C'est en héros effarouché S'il a du talent nu touché Quelque gajon de territoire. Je préfère talon, et M. Mallarmé est de mon avis, probablement. Le hasard, qui est malicieux, me force à rapprocher du Florilège de M. Stéphane Mallarmé un Christmas-Album, dû à la complicité de M. A. Lynen et de M. Théo Hannon : Noè'ls fin-de-siècle. Le pétulant poète des Rimes de joie s'y retrouve en strophes tortillées et nerveuses, en concetti imprévus, en vers chatoyants et gaillards. M. A. Lynen a illustré chaque Noël d'un petit dessin très apéritif. N. B. L'album est écrit pour les enfants bien sages, — deux fois majeurs. Bobin, de M. Fernand Baudoux, un poète repenti devenu romancier, nous promet un observateur attiré par les milieux excentriques et peu connus. C'est une histoire de cirque, racontée d'après les règles de l'esthé tique naturaliste, mais avec une sobriété fort méritoire, ma foi! par le temps qui court. Ajoutons que M. Fernand Baudoux sait dresser un per sonnage et lui donner le souffle vital. Brabandès, Gagignol, Belle et Bobin valent mieux que les grossières marionnettes naturalistes. Tout au plus pourrait-on leur reprocher quelques discours trop corrects et trop fleuris. En somme, Bobin est un fort honnête roman, que l'on peut recommander sans se compromettre. J'en dis autant de Mon Amant, le roman psychologique de M. Henry Kistemaeckers fils. L'auteur a pris la précaution de nous avertir que son