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Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/455

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—447— œuvre est psychologique, au rebours sans doute de la précédente, Lit de Cabot, qui ne boudait point le naturalisme M. Henry Kistemaeckers a fait une tentative assurément très louable, et ce n'est pas moi qui lui reprocherai sa conversion au roman psychologique. Mais il me permettra de le lui dire : ce n'est pas à vingt ans qu'on écrit un roman d'analyse. Mon Amant, malgré son déploiement de psychologie, est une œuvre beaucoup plus jeune et plus inexpérimentée que Lit de Cabot, où les faits et gestes des comédiens de petite ville étaient racontés avec viva cité et avec justesse, par un témoin dispensé de toute invention. Dans son roman psychologique, au contraire, M. Henry Kistemaeckers fils a inventé, un peu naïvement. Il inventera vrai, plus tard.

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M. Maurice Barrès, lui aussi, se targue modestement, — cet accouple ment de mots pourrait contenir la caractéristique de l'écrivain, — M. Mau rice Barrès se targue d'avoir écrit un livret sentimental et de nous apporter quelque lumière sur la sensibilité contemporaine, qui eût été incompréhen sible, affirme-t-il, pour nos pères et nos grands-pères. Tel est le but qu'il a poursuivi en composant l'Ennemi des lois. Les phénomènes de sensibilité qu'il nous décrit, M. Maurice Barrès prétend les avoir observés. Il nous donne son héros, le sociologue André Maltère, et ses deux héroïnes, Mlle Claire Pichon-Picard et la princesse Marina, comme des êtres réels, et non comme des automates ingénieux chargés de Vancansonner ses idées. Je pense que M. Barrès nous en fait accroire. Son André Maltère, un réformateur platonique qui se livre à une ardente propagande révolutionnaire pour le simple plaisir d'avoir des idées nettes, sa Claire Pichon-Picard, une grande vierge émancipée qui traverse l'action, — et la vie d'André Maltère, — le crayon derrière l'oreille, dési reuse seulement que l'on réponde à ses questionnaires sur la société de l'avenir, pareille à une fille de doctrinaire ralliée aux idées nouvelles, — Mlle Dufaure, si l'on veut ! — et même sa Marina, ce joli animal plein de sensualité aristocratique, ne sont pas même des candidats à la vie. Leur existence est hypothétique, et leurs aventures relèvent de la féerie, d'une féerie austère et, selon la charmante expression de Banville, d'une féerie laïque, c'est-à-dire — sans fées. M. Maurice Barrès professe certaines idées sur le pacte social. Ces idées, il les prête à trois poupées selon son esprit, et lorsque ces trois poupées mettent ces idées en pratique, — M. Maurice Barrès attribue cette mise en pratique à un état de sensibilité déterminé. C'est la pratique des joueurs de marionnettes ! Quelles sont ces idées ? Que les lois ont été nécessaires, mais qu'elles ne le sont plus. « Au commencement, dit André Maltère, nos aïeux en usèrent comme béquilles. Elles les soutinrent jusqu'au point où nous sommes. Rejetons maintenant cet appareil désormais superflu et gênant. Les dogmes et les codes nous ont mis dans le sang la pitié et la justice. Aujourd'hui que nous nous en sommes assimilés la meilleure part, ils ne font plus que nous embarrasser de leurs