Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/458

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—4^o— MEMENTO LE MACAQUE FLAMBOYANT (Suite). Des lettres parisiennes Jde M. Georges Rodenbach : « ... M. Deibler est un locataire et un voisin modèle : voilà dix-neuf ans qu'il habitait, 3, rue Vicq-d'Azir, au troisième étage, sans déranger personne, sauf qu'il se levait parfois un peu tôt pour'ct ses affaires», comme il dit par un charmant euphémisme. Assez casanier, pour le reste, et s'amusant chez lui avec des tortues, il en a trois, dont l'une vient manger dans sa main, presque comme des Esseintes, sauf qu'il n'a pas le moyen d'incruster de pierreries la cara pace'de la sienne. « ... M. Deibler gardera sa légendaire redingote noire boutonnée, constamment nettoyée de son sang par les benzines, pour laquelle il demanda un jour le ruban d'offi cier d'académie. « ... Est-ce que vraimentle poète du Vase brisé, qui, las d'une réputation gracieuse, avait écrit la Justice, le Bonheur, s'enfon- çant dans les plus haut problèmes philo sophiques, y aurait perdu la raison, comme ces aéronautes du Zénith qu'il a célébrés, morts de s'être élancés trop haut et qui, jetant leurs corps comme dernier lest à la terre, ont continué l'ascension tout seuls ? >: Heureux d'apprendre que des Esseintes mangeait dans la main de Deibler, que le bourreau a demandé le ruban violet pour sa redingote, et qu'un aéronaute, pour con tinuer son ascension, n'a qu'à se jeter par dessus bord, — passons à la poésie. Ci quelques vers de M. Georges Roden bach, déjà nommé : Dans l'air moite et fiévreux des serres, s'abritant. Toute une orfèvrerie, un trésor d'orehidées : Prismes devenus fleurs; flammes consolidées, Forme où déjà le Rêve est moins inconsistant. Fleurs sans famille, et qu'on dirait tout à coups nées D'un inceste, de quelque amour trop anormal D'une rose nubile et d'un vague animal Qui s'aimèrent en de coupables hyménées, Tant elles sont entre les deux, comme aux confins D'une fleur neuve et d'un insecte qui se fripe. Déjà plus papillon et pas encor tulipe. Enfin, pour les amateurs, ce sonnet du même poète et que nous avons retrouvé dans une collection de la Plage, le journal balnéaire fondé par Emile Verhaeren : COUPS D'EVENTAIL Quand vous trônez parmi votre cour de galants. Jouez de l'éventail à votre gré, coquette ; Car ce frêle éventail est comme une raquette Pour repousser leurs cœurs moins lourds que des [volants. Oh! comme il est joli dans vos doigts indolents! Sujet tendre : Pierrot, blanc comme un lis, muguette Et menace du poing la lune dont l'œil guette Colombine qui fuit dans sa robe à volants. Mais le trouble d'avoir cet éventail augmente. Car vous sentez comme un souffle de bouche aimante Qui vous court sur la joue à chaque battement. Et quand un aveu brusque et que rien ne présage Vous fait rougir, alors votre éventail charmant Sert de feuille de vigne à votre pur visage ! Fleurs de critique : De l'Indépendance : « Mais en même temps que Baudelaire, voici qu'on veut aussi camper sur une place publique Barbey d'Aurevilly, et c'est ici que l'ère des difficultés commence. De quelle façon le sculpteur concevra-t-il son modèle ? Ne devra-t-il pas avoir recours au procédé renouvelé des Grecs et employer le marbre colorié pour représenter un écrivain qui disait de lui-même avec quelque fierté : « Le visage humain est fait pour être ma quillé. Je fais mieux que me teindre, je me peins. » Et quelle attitude prêtera l'artiste à ce fringant paladin catholique auquel ce Baudelaire, dont je parle plus haut, disait un jour avec une douce ironie : — Vous devez vous confesser le poing sur la hanche. Enfin, comment le sculpteur habillera-t-il