Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/46

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—38— Mais l'Enfant, ayant clos ses beaux yeux sur son âme, S'en va, tranquille et bon, sans voir vers lui les daims. Déchirés par des ours, tourner leurs yeux humains Près d'un cerf terrassé qui l'appelle et qui brame. Il a vaincu le charme : un ange tutélaire L'a conduit parmi les bocages de velours Dont les lierres touffus en ferment les contours De silence, de calme et de sage mystère; Des pommiers ténébreux, chargés de fruits vermeils, Veillent de leurs rameaux son cœur qui se recueille, Tandis que la rosée en feu de chaque feuille Semble dans l'ombre encor des larmes de soleils. Près d'un trône, ajouré de fragiles dentelles D'or, d'émail et d'argent par de fervents artistes, Où la Vierge ondulante au manteau d'améthystes Offre le lys taché de rouges coccinelles, A genoux, humble et doux, les mains droites et jointes. Sur le galon nocturne où de blanches stellaires Ouvrent en fleurs d'amour leurs yeux d'étoiles claires, Il se consacre en rêve à la Sainte des Saintes. Un trop doux crépuscule ouvré de feuilles d'or Dans les berceaux épais étoile ses lumières Et les roses du soir parmi l'ombre des lierres Mystérieusement entrouvrent leur trésor. Et soudain, aux clartés de plus riches mirages, Un calice s'anime et se métamorphose, Un bel ange bientôt sourit dans chaque rose, Dans un vivant jardin de candides visages. Mais ces enfants nouveaux aiguisent leurs beaux yeux De sourires subtils pleins de fausses paresses; Ils ont pourtant trouvé de si douces tendresses Pour satisfaire encor leur esprit curieux.