Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

—5i— TEMPLA SERENA... Bois sacré du laurier céleste, et vous, sommets! Les Muses vous ont fuis; vos échos sont muets; Le chant divin des sœurs emplit au loin la grève! « O trop aimé mortel en allé sur la mer! La paix même des dieux pesait à ce cœur fier : A qui veut l'action c'est trop d 'un si long rêve. Et nous t'avions admis dans l'immortel essaim! Las du rameau béni dont les Muses l'ont ceint, Quel moins noble souci distrait ce front tranquille? Malheureux qui nous fuit vers l'orageux labeur! Ne tente pas la vie! Epargne à ta valeur, Il en est temps encore! une lutte inutile. Mais déjà tu nous fuis, enfant! Et, pourtant, vois : Nous avons délaissé nos temples et nos bois, O mortel, et, pour toi, les Muses sont en larmes! Hélas! l 'hydre a frémi dans le limon natal. Va, chanteur, et combats, de ton glaive inégal, La bête au cœur épais qui déjoua tes charmes. Ah! reviens nous! Reviens! Les Muses sont tes sœurs! Et, parmi les baisers, les rires et les pleurs, Bien longtemps, comme des amantes et des mères : Enfant! gémirons-nous, ne t'aimions-nous donc pas? Où fuyais-tu? Quel trouble emportait ton cœur las, Loin des Muses, hélas! vers quelles éphémères? Mais un plus fier désir a guidé ton exil! Ce cœur trop confiant qu'appelle un beau péril Ne cherchait que la gloire aux pays de la vie! Rentre enfin dans la paix des songes! Laisse-nous Clore tes yeux vaincus sous des baisers plus doux, Oublie entre nos bras une aussi folle envie.