Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/67

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-5q- Alors les passants passent Et louent le Seigneur. « Roi d'amour et de grâce, Louange à toi, Seigneur. » A. -Ferdinand Herold FRAGMENT (,) l semble que ces gens ne sentent pas la vie ou ne savent pas ce qu'ils doivent en faire. La vie chez eux s'est arrêtée à la période florale ; c'est le fruit qui manque ou bien le fruit a séché pendant qu'il était vert. Leur être ne mûrira jamais. Ils sont des morceaux de matière qui se survit. Ils n'ont gardé que le brutal instinct du corps en croissance. Ne pouvant plus croître, ils font croître autour d'eux les choses. Ils répètent, ils ajoutent, ils amassent. Ils font de la quantité. Ce ne sont pas des jouisseurs. La jouissance opère une transsubstantiation et l'homme par elle se parfait et s'affine. La jouissance trahit une crise, une évolution, un mouvement. Ils sont l'arrêt au pied de la borne. Ils ne passent pas la vie au crible de leur être. S'il leur arrive, par malheur, d'avaler un peu d'âme, ils lui trouvent si mauvais goût qu'ils la recrachent. La vie rebondit à leurs corps ; l'entrechoc de ses parcelles affolées fait la bruyance et le désarroi des foules. Ils se rejettent comme des paquets d'eau, les paquets de vie et la vie glisse et coule aux parois de tous ces vases fermés, les frappe, en rejaillit, les enveloppe et tombe parmi eux, autour d'eux, avec le fracas de l'eau sur les dalles. C'est par ces hommes que se fait la déchirante désharmonisation du monde. Pendant que l'afflux divin se profluidifie lentement au sable uni de la grève ces hommes solidifiés, ces hommes de matière inerte s'offrent en écueil à la vie et bien des élans d'être viennent y échouer et mourir. Songe à la clameur en révolte des flots d'enthousiasme et de joie puis sante ; comme ils se cabrent de souffrance et retombent transbrisés ! Les colères et les désespoirs ne sont que le ressac de la vie à l'inertie de ces cœurs et de ces esprits de pierre. (i) Quelqu'un d'aujourd'hui.