Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/92

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-84- Ils sont là tous, réclamant la certitude et la paix. Le poète les écoute, con fronte leur détresse avec la sienne, et regarde s'écrouler la tour de | Babel de ses ambitions et de ses rancunes : Mes bras sont vains, Toute ma tête est vaine ! Et mes ardeurs, même ma haine. Ils ont glissé dans le fossé. Alors, dans le fond de sa mémoire, un point blanc s'allume. Le poète se rappelle son enfance, les jours de foi simple et de pratiques endormeuses. Des ombres aimées se lèvent en lui. L'une d'elles, surtout, !a moins morte des mortes, plane sur sa tête comme un oiseau de clarté. Et à l'ombre radieuse de ses ailes rédemptrices, le poète se sent renaître. Saint Georges fond sur lui et transperce le dragon de la vie impure : // m 'a rempli de son esssor Et tendrement d'un effroi doux ; Devant sa vision altière J'ai mis en sa pâle main fibre Le sang épars de ma douleur ; Et lui s'en est allé, m imposant la vaillance Et, sur le front, la marque en croix d'or de sa lance, Droit vers son Dieu, avec mon cœur. Et le retour du poète au Dieu des ignorants et des simples s'achève, à la fin du livre, dans un cantique de joie chrétienne et d'espoir pascal. La morte, le doux profil de lumière, l'ange gardien, la sainte et familière- servante d'un cœur orageux et noir y est glorifiée par de calmes et blanches prières : Elle est ce gui fleurit de joie. Dans ma demeure et dans ma voie. Elle est le son chantant de l'heure. Elle est là doucement assise Dans la tranquillité de mon église, A mes côtés, sur des chaises amies. Elle est, durant mes nuits de fièvre. La goutte fraîche sur la lèvre Et la lampe qui toujours veille. Elle est ma ferveur réorientée, Ma jeunesse ressuscitée, i Un flot d'aurore en une aurore. Et tel, conclut le poète, Et tel vivrai-jc en elle, afin d'y bien mourir! Ainsi ce violent, ce frénétique, mordu par toutes les bouches de sa vio lence et de sa frénésie, ce casseur de bronze et de fer, ce sonneur des der niers tocsins qu'enivrait le vin rouge des incendies, finit par se blottir, fri