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Page:La Justice du Var, année 6, n° 452 (extrait), 10 août 1890.djvu/14

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Pour payer tout ce monde, il a fallu répandre l’or à pleines mains ; les moyens n’ont pas manqué. Les plus notables sont les parts de syndicat et les bons anonymes — anonymes au regard de la comptabilité de la Compagnie. Pour les parts de syndicat, non-seulement on les distribuait aux journaux et aux journalistes — à trois ou quatre journaux surtout et précisément les plus vertueux — ce qui constituait un cadeau de 8 fr. 50 par titre, mais en outre la Compagnie y ajoutait gracieusement, en argent, les 2 fr. 50 par titre qu’ils auraient dû lui verser. Et encore faut-il ajouter que les documents publiés sont bien loin de révéler tout, et que nombre de gens au courant des choses vous indiqueront des versements considérables dont la trace a disparu.

Et ce sont ces mêmes feuilles, ces mêmes hommes, gorgés de l’argent du Panama — le fait est officiellement constaté — qui vont crier au voleur et mener un vacarme d’enfer.

Le procédé est classique. Il n’y a pas lieu de s’en étonner. En agissant ainsi les complices des coupables évitent l’attaque qui les menace, discréditent leurs ennemis politiques et détournent l’attention des vrais chefs d’accusation aussi bien que des vrais coupables — et ce moyennant de nouvelles sommes reçues et de nouveaux contrats (Voir le Rapport Vallé). Les mêmes hommes qui mènent grand bruit d’accusations mensongères ignoreront qu’un milliard a disparu. Cent accusations sont lancées à tort et à travers. Mais il ne sera pas dit un mot du milliard volé.

C’est ainsi qu’un député taré, porté sur la liste Flory comme ayant touché une somme importante alors qu’il n’était que journaliste, faisait impudemment écrire, il y a peu de temps encore, par un de ses gagistes : Panama, c’est Clémenceau ; quitte à dire le contraire le lendemain par crainte de représailles.

C’est ainsi que tel autre — moyennant argent comptant — décernait l’auréole du martyre à un homme condamné par la justice régulière pour escroquerie, et qui doit à la seule prescription d’avoir échappé aux conséquences de sa condamnation.

Dirai-je enfin, pour compléter le tableau, que l’auteur d’un des premiers articles dirigé contre moi est actuellement sous les verrous pour faits de droit commun.

Voilà nos professeurs de vertu, voilà les mobiles vrais, indiscutables de leur belle campagne pour l’honneur et pour la probité.

Je n’ai pas récriminé. Je n’ai pas dénoncé. Je constate.

Il faut tout dire, les monarchistes, les cléricaux faisant chorus, le parti républicain ne s’est pas défendu.

Pourquoi ?

L’ancien parti républicain, le parti de combat qui a conquis la République, n’existe plus.

Le parti républicain actuel est en voie de transformation. Tiraillé entre les modérés qui vont jusqu’à M. Piou, et les progressistes qui vont jusqu’à M. Baudin, il est ébranlé, dissocié, désorganisé.

Les dissentiments y sont d’autant plus aigus, les inimitiés, je dirai même les haines, d’autant plus vives que, bon gré mal