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Page:La Justice du Var, année 6, n° 452 (extrait), 10 août 1890.djvu/15

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gré, on a dû marcher longtemps côte à côte.

Des jeunes sont venus, avec des idées de vieux, qui ne veulent plus des vieux avec des idées de jeunes. À la première occasion, beaucoup devaient chercher à profiter des attaques d’où qu’elles vinssent, pour se débarrasser à tout prix et par tous les procédés possibles, d’adversaires réputés dangereux. L’ancienne organisation ayant emporté avec elle les derniers vestiges de la solidarité commune, les rancunes, les haines, d’autres sentiments encore, pouvaient se donner librement carrière. La tentation était si grande de résoudre tous les problèmes pratiques et sociaux, et d’amener, par surcroît, le règne de la vertu sur la terre, par la seule application du grand principe divin qui gouverne le monde : ôte-toi de là que je m’y mette.

L’ennemi pouvait venir. L’ennemi vint.

Quand il se fut assuré, au milieu de l’indifférence du plus grand nombre, de la connivence discrète des uns, et du concours empressé des autres, quand il eut fait le bois, comme on dit, et reconnu le terrain, alors l’attaque commença.

Ce qu’elle a été, vous le savez. Les échos en retentissent encore à vos oreilles. Il est difficile aujourd’hui, sans soulever des nausées, de revenir sur cette écœurante aventure. Il faut cependant bien que j’en retienne ce qui me touche, puisque je suis devant vous pour vous rendre des comptes.

Contre moi, j’ai l’orgueil de dire que la meute a donné toute entière d’une rage inouïe. Ce fut une belle chasse, longue et pourtant endiablée, où nul ne s’épargna, ni les valets ni les chiens. Il n’y manqua que l’hallali trop tôt sonné. (Bravos !)

Prenant prétexte de tout, dénaturant tout, mentant, calomniant, faisant des faux, toute une bande accusatrice se leva d’un seul coup contre moi.

On réveilla tout, on fouilla ma vie, on n’épargna rien.

J’avais assassiné Lecomte et Clément Thomas.

Le bureau de poste installé dans la maison que j’habite payait mon loyer.

Il y a quelques semaines encore j’ai lu dans un journal, que j’avais une loge à l’Opéra, que je dépensais 200.000 francs par an et que c’était le budget qui payait tout cela. Un aventurier bien connu ou plutôt mal connu dans le Var, où le jury de la cour d’assises lui a dit son fait, a trouvé plus rond de fixer à 400.000 francs le chiffre de mes dépenses annuelles, (cris de à bas Cluseret !)

Alors que ma vie est au grand jour et que je défie qu’on y trouve d’autre luxe qu’un cheval de selle, dont la pension est de 5 francs par jour, pendant neuf mois, et une action de chasse qui ne me revient pas à 500 francs.

J’avais fait obtenir un avancement inouï dans la Légion d’honneur à M. Cornélius Herz. Je l’avais aidé dans ses entreprises. Je défiai qu’on apportât une seule preuve à l’appui de ces dires, on n’a jamais essayé.

M. Cornélius Herz était un espion et par conséquent j’étais son complice. De preuve ou de commencement de preuve, pas de trace.