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Page:La Justice du Var, année 6, n° 452 (extrait), 10 août 1890.djvu/16

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J’avais extorqué à M. de Lesseps des sommes fantastiques. Toute la presse de la Compagnie de Panama vécut de cela pendant de longues semaines. Cinq minutes de témoignage devant la Cour d’assises et, de l’aveu de M. de Lesseps, il restait de cela néant. À ce point qu’après tant d’accusations si diverses et si passionnées, mon nom n’est même pas prononcé dans le rapport de la Commission d’enquête.

Aujourd’hui, je dirai devant vous ce que je n’ai pas voulu dire pour me défendre : C’est que M. Charles Bal m’ayant offert des parts de syndicat, j’ai refusé. C’est qu’un personnage autorisé m’ayant offert 50,000 francs pour la Justice, en dehors de la publicité régulière, j’ai refusé.

Voilà l’homme accusé de vénalité par les vendus ! (Applaudissements !)

Tout ceci je puis le prouver.

Mais il s’agissait bien de preuves.

Un membre de la Commission d’enquête donnait aux journaux une note indiquant que j’avais touché un chèque de 100,000 francs de la Compagnie de Panama. Le même enquêteur en faisait discrètement confidence à un député que je pourrais nommer. Quand les journaux s’en furent donné à cœur joie, le même homme, interrogé par un de mes amis, répondit qu’il y avait eu erreur. Mais il ne donna pas de note aux journaux pour démentir sa note précédente. C’est l’histoire du fameux chèque Marot dont le seul tort est de n’avoir jamais existé. Il y a quelques jours à peine un journaliste-député faisait allusion à cette histoire, en ayant soin de brouiller tout, pour émettre avec plus d’aise un doute discret.

Et puis j’avais reçu des millions de M. Cornélius Herz. Était-ce trois, était-ce cinq ? On ne savait pas bien. Plutôt cinq que trois.

L’argent était-il entré dans la caisse du journal. On l’avait affirmé d’abord, mais la comptabilité étant là, on ne put le soutenir longtemps. Ce fut alors à mon profit personnel que j’avais touché cette somme.

Je monte à la tribune, j’offre mes livres, ceux de mon journal. « On pense bien qu’ils sont en règle », répond naïvement l’accusateur. (Rires.)

Que me reste-t-il à établir ? Qu’il n’y a pas trace de ces millions dans ma vie. Rien n’est si facile.

Quand j’ai connu M. Cornélius Herz, il n’était pas millionnaire. Quand il l’est devenu, la comptabilité du journal établit :

1o Que la Justice est restée dans une situation précaire ; à certains moments, très difficile ;

2o Que j’ai contracté, pour la soutenir, des engagements personnels dont je n’ai pu encore me libérer, et qui seraient lourds pour moi au jour de la liquidation.

Parlerai-je de ma situation personnelle.

J’ai réglé mes dettes de jeunesse par un emprunt chez un notaire de Nantes. On peut y aller voir, la dette subsiste encore. Où sont les millions ?

J’ai marié ma fille sans dot. Où sont les millions ?

Je suis installé depuis six ans dans mon domicile actuel. Le marchand de meubles