Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/141

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– une petite guerre… disent les oisifs en la voyant descendre et se ranger dans les chaloupes.

L’intendant Maillart courait chez le gouverneur :

— Un navire attend hors des passes… c’est évident !… Embarquement irrégulier, fuite, véritable désertion, alerte !…

Ordre est donné aux forts de l’entrée de couler les chaloupes plutôt que de les laisser sortir.

Cependant le chevalier du Capricorne, Sans-Quartier et Jambe-d’Argent, rassemblés sur le rouf du Desforges, voient de loin briller les uniformes, les armes et le drapeau de la légion qui s’éloigne lentement des quais dans six énormes chaloupes.

Un premier coup de canon retentit. Béniowski ne doute point que ce soit une menace à son adresse. – Un boulet lancé sur l’avant de sa première embarcation le lui démontre l’instant d’après.

Il fait lever rames ; puis, chose étrange, le Desforges serre le vent pour reprendre le large. Le gouverneur et l’intendant ne furent pas moins surpris que Béniowski lui-même.

Dans la première chaloupe, le capitaine Rolandron de Belair, qui remplissait par intérim des fonctions de major, demandait ce qu’il convenait de faire.

— Attendons sur nos avirons, répondit Béniowski. J’essaie de comprendre la manœuvre du chevalier.

Alors, la comtesse Salomée, couchée dans un cadre sous la tente de l’embarcation, se souleva et dit d’une voix éteinte :

— Espérance !… voici le secours de Dieu !

À ces mots, un lourd sommeil ferma ses paupières.


M. de Ternay, gouverneur de l’Îe-de-France, accompagné de l’intendant Maillart et du garde-magasin Vahis, venait de se rendre à bord du brig de guerre le Postillon, dont le capitaine