Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/182

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moi !… répondez !… Se lèvera-t-il une mère pour demander le droit d’abandonner son enfant dans les bois, dans les rochers sur les eaux ?… Oh ! que cette femme-là soit au-dessous des femelles des plus cruels animaux, que ses mamelles se dessèchent, que ses fils, si elle en a de vivants, la frappent au visage et qu’ils lui disent : – « Tu as tué mes frères… voilà le souvenir qu’ils te paient par ma main !… »

« Des cris et des sanglots répondaient à ce discours véhément qui fut suivi de la présentation de plus de vingt enfants recueillis par Salomée depuis quelques mois. Vingt mères, palpitantes de bonheur, s’élancèrent aux pieds de ma femme en s’écriant :

« – Ra-Mariama me rend mon enfant perdu !… – J’ai retrouvé ma fille !… – Mon fils a été sauvé ; que la dame de Fort-Louis soit bénie !… – Les eaux du fleuve, les animaux féroces, les insectes rongeurs, les caïmans et les oiseaux de proie ont épargné mon enfant !… – Il n’a eu faim ni soif, une mère bienfaisante l’a fait nourrir !…

« Elles reconnaissaient leurs enfants retrouvés ; elles leur offraient le sein avec des transports d’allégresse, elles baisaient les mains et les pieds de Salomée en se déclarant pour jamais ses servantes fidèles. Quelques mères infortunées, dont les progénitures n’avaient pas été recueillies, désespérées à cette heure, se tordaient et se roulaient sur le sable en poussant d’épouvantables clameurs. – Plusieurs d’entre elles, haletantes, écumant de rage, maudissant la cruelle coutume de leur pays, entrèrent en convulsions. – Il fallut les emporter au Fort.

« Salomée put enfin reprendre la parole :

« – Femmes de Madagascar, s’écria-t-elle, devant le Dieu créateur et au nom de la Sainte-Vierge Marie, mère de Ra-Hissa, notre Seigneur Jésus-Christ, jurez donc d’un commun accord de renoncer pour toujours à votre superstition cruelle !…