Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/21

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« – Souviens-toi et venge-toi ! – lui disait le tentateur.

« Mais Hedwige ferme l’oreille. Elle ne veut point se souvenir, elle a soif de charité.

« Voyez ! elle a revêtu sa robe de vierge, enveloppée par son voile blanc comme un lis :

« – À mes ennemis, paix, pardon et bonheur !

« Et le tentateur s’éloignait en rugissant :

« – Dans ce cœur rempli par l’amour, il n’y a plus de place pour la haine ! »


Salomée sentait profondément les beautés de cette ballade chrétienne ; sa timidité vaincue fit place à un enthousiasme qui se trahit par des exclamations admiratives.

La vieille intendante des Opales était elle-même sous le charme de la diction élégante du comte de Béniowski.

Vasili, passablement flegmatique, trouvait fort imprudente la séance de déclamation que son maître donnait à Mlle Salomée Hensky.

— Redoublement de fièvre, délire, cauchemars !… pensait-il. Nous allons passer une nuit détestable !… Le vin de Tokay me paraissait le bienvenu, mais les cantiques lithuaniens sont de trop !…

Le respectueux serviteur ne se permit pas, néanmoins, de prendre la parole, et Béniowski, jugeant de l’effet favorable qu’il venait de produire, se leva de la chaise longue pour réciter la dernière strophe du poème :

« La palme de paix dans la main, Hedwige s’avance vers le guerrier ; les plis de son voile blanc descendent jusqu’à ses pieds, qui font naître des fleurs sous leurs pas bénis.

« Le glaive des combats au poing, Wenceslas frémit de fureur à la vue de la jeune vierge ; il presse de l’éperon les flancs de son coursier ; son manteau rouge s’agite et flotte derrière