Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/22

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lui comme une flamme sanglante, où rient les démons ennemis de Dieu.

« Hedwige s’est arrêtée ; elle invoque à genoux le divin Sauveur mort sur la croix en priant pour ses bourreaux.

« Wenceslas, ivre de rage, fond sur elle en blasphémant :

« – Frappe la fille de tes ennemis ! Elle te bénit en suppliant le Seigneur Jésus de te délivrer du démon de la haine !

« Le glaive des combats tomba brisé par la palme de paix et d’amour !

« Haïr, c’est souffrir !… Aimer, est bonheur ! »


— Mademoiselle, ajouta Béniowski après un instant de silence, cette légende rhythmée ressemble à mon histoire ; le démon de la haine vient de s’éloigner de mon cœur. En vérité, j’ai cessé de souffrir !

Salomée saisit l’allusion et sourit, mais elle n’osa répondre que, loin d’être la fille des ennemis du comte, elle appartenait à une famille, où chacun l’estimait avant de le connaître. Elle dit seulement qu’heureuse d’apprendre qu’un mieux sensible se manifestait dans son état, elle devait s’empresser de porter une si bonne nouvelle à tous les hôtes du château. Puis, saluant avec grâce, elle se retira dans un état de trouble inexprimable.

Les services de l’intendante étaient désormais inutiles, elle suivit la jeune fille, tandis que Vasili offrait un second verre de Tokay à son maître.

— À la santé de mademoiselle Salomée Hensky ! dit Maurice dont la bouillante imagination n’avait point fait moins de chemin que celle de son ami le vicomte Richard.

— Si Monsieur voulait maintenant boire à la sienne ? reprit Vasili en remplissant le verre pour la troisième fois.

— Comme tu y vas !… Prétendrais-tu me griser ?