Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/223

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M. de Bellecombe, maréchal-de-camp, et M. Chevreau, officier d’administration, son collègue en qualité de commissaire du roi, relurent jusqu’à trois fois cette pièce empreinte d’un sentiment d’orgueil blessé, qui sous une apparente résignation, cachait des intentions menaçantes.

— Avons-nous pouvoirs pour accepter la démission de M. de Béniowski ? Tant qu’elle n’est pas agréée, M. le général peut-il, sans rébellion ouverte, se refuser à vos ordres ?… demandait M. Chevreau.

— N’oublions pas, mon cher collègue, que nous avons mission de procéder avec prudence ; M. le gouverneur des îles Mascareignes lui-même nous y a invités en dernier lieu.

— Mais nous devons ramener Béniowski.

— Comment faire s’il se refuse, ce qui est implicitement dit dans sa démission, à se rendre à bord ?

— Je ne le rembourserai pas !

— En ce cas, convenez qu’il aura le droit de conserver la possession des établissements fondés par ses soins avec ses propres deniers…

— Il n’avait pas le droit d’affranchir tous ses esclaves, il a poussé ses officiers à donner leurs démissions, il se joue de nous sous des semblants de subordination et de soumission à la volonté du roi. Il a vingt mille hommes à ses ordres…

Immobile comme une statue, le capitaine Venturel ne se permit point de prendre part à ce débat ; – enfin le général de Bellecombe s’adressa brusquement à lui :

— Que pensez-vous de cette démission, monsieur le capitaine ? dit-il. Parlez ! ne nous cachez rien ! je l’exige.

Venturel avait appris à ses dépens quels sont les dangers de la neutralité passive :

— Général, répondit-il, M. de Luxeuil me menaçait, il y a quelques jours, de me dénoncer au ministre comme incapable,