Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsque je m’étais borné à lui obéir à la lettre. Renvoyé de ce navire, où j’espérais pouvoir me ranger militairement sous vos ordres, j’ai dû m’estimer heureux d’être admis de nouveau à Louisbourg. Aujourd’hui, j’en appelle à votre justice, quelle doit être ma conduite ?

— Répondez sincèrement et sans craintes.

— Selon moi, devant Dieu et devant les hommes, je jure sur l’honneur que M. le comte de Béniowski est animé d’intentions droites et pacifiques. Non-seulement il n’a pas poussé ses officiers à donner leurs démissions, mais il les a conjurés de n’en rien faire. Il n’acceptait que celles de MM. de Nilof et Ubanowski ; mais le corps d’officiers en masse a insisté avec tant de chaleur qu’il n’a pu refuser. – Mais les soldats ? – Ils ignorent tout encore. – Quels sont les officiers non-démissionnaires ?

— Nous ne sommes que deux, général : le major du Sanglier, qui est mourant et ne sait rien de ce qui se passe, et moi, qui vais avoir droit à ma retraite !… – Mais les chefs indignes ? interrompit le général. – Je suis sans renseignements à leur égard. – Quel est l’état de M. de Béniowski ?

— Le chirurgien-major en est alarmé ; il aurait fallu que M. le colonel passât huit jours au moins dans une immobilité complète, après la grande victoire qui fut suivie de son rappel. Les inquiétudes morales, la fièvre qui en a été la conséquence, les fatigues de la route ont été funestes. Il est probable que M. le colonel de Béniowski boitera toute sa vie, s’il en réchappe…

— Et s’il meurt ? interrompit M. Chevreau, que se passera-t-il au fort ?… – Je ne me permettrai pas d’affirmer ce que je craindrais… – Que craindriez-vous ? parlez donc !…

— Une levée de bouclier générale, Messieurs. La révolte simultanée de tous les officiers, de tous les soldats et de tous