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Grande-Île, et particulièrement de la baie d’Antongil et de l’île Marosse[1].

L’on a vu, d’ailleurs, comment, en février 1774, la division Kerguelen relâcha dans ces parages lorsque s’y établissait le héros de l’ouvrage dont le présent épilogue historique est le complément.

Une faute à jamais déplorable fut commise en septembre 1776, lorsqu’on retira au comte de Béniowski le mandat qui lui avait été confié. Persécuté, calomnié, trahi, au lieu d’être secondé comme il aurait dû l’être, il avait en moins de trois ans, en dépit de mille obstacles, jeté les bases d’une organisation durables. Il avait parfaitement suivi la marche tracée à M. de Maudave et ne s’était laissé décourager par les dénis de promesses ni par les défauts de secours. Ses vues étaient saines. Il s’engagea constamment dans la meilleure voie et ses propositions ont toujours été celles d’un esprit clairvoyant. Il ne guerroya que contraint et forcé, car il était par système conciliateur et pacificateur, ne châtiant qu’à regret. Nul ne posséda à un plus haut degré l’art de se faire des alliés et des partisans. – Son élection d’ampancasabe ou roi des rois en est la preuve irrécusable. Ce qu’il accomplit durant le court espace de trente mois dans les pires conditions en fait de fondations, d’établissements, d’explorations, et de combinaisons du plus grand avenir ne permet point de douter que, si le reste de sa vie eût été consacré à son œuvre, et avec le concours des prédications catholiques sur lesquelles il avait compté, la grande île de Madagascar ne fût véritablement devenue la France Orientale.

Après Béniowski, comme après Maudave, Madagascar fut abandonné presqu’entièrement aux tentatives individuelles de traitants ou d’aventuriers. En 1781, le Bailli de Suffren y ravitailla son escadre, mais il n’y trouva point le grand port de guerre et de réparations qui lui eût été si utile lors de sa belle campagne de l’Inde.

On n’avait fait ni laissé faire ; et les Français, cruel dénouement, furent les auteurs de la mort de Béniowski lorsqu’il

  1. Voir Hist. maritime de la France, par Léon Guérin, édit. in-18, t. II, ch. IX, p. 359.