Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/38

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des actes de piraterie extraordinaires d’un aventurier français, se disant comte de Béniowski et battant les mers voisines sous pavillon polonais, par une fantaisie bien digne d’un flibustier.

L’on savait qu’un combat avait eu lieu dans le canal de Formose entre un vaisseau de la compagnie hollandaise des Indes et la corvette du pirate, laquelle avait coulé sans doute lors du fameux typhon qui fit tant de ravages la nuit suivante, et l’on s’émerveillait de l’heureuse audace des forbans qui, avec deux misérables radeaux, s’étaient emparés d’une jonque chinoise défendue par une nombreuse troupe d’infanterie. À cela s’ajoutait une lettre fort circonstanciée d’un officier russe, M. Estève Finvallen, donnant sur les expéditions antérieures de l’écumeur de mer, au Japon, sur les côtes de Saghalien, et dans des parages plus septentrionaux encore, des détails véritablement inimaginables.

Que faire dans une grande chambre d’officiers en station devant Macao ? – Causer, jaser, se perdre en suppositions. Du gaillard d’arrière, par l’entremise des domestiques et des mousses de l’état-major, l’histoire déjà si fabuleuse du comte de Béniowski passa sur le gaillard d’avant, où elle prit des proportions nouvelles. – Les matelots jurèrent que l’immortel Nathan-la-Flibuste flibustait dans les mers de la Chine.

À terre, dans les cabarets fréquentés par les marins des compagnies hollandaise, anglaise ou autres, les contes en vogue à bord de l’Aréthuse firent promptement invasion. Les Portugais furent bientôt au courant de la rumeur navale ; il fut donc avéré parmi les marins de toutes les nations que, si la frégate la Pomone parvenait à rejoindre la jonque de Nathan-la-Flibuste, se disant comte de Béniowski, l’on ne tarderait pas à jouir de l’agréable spectacle de sa pendaison en rade de Macao.