Page:La Lecture, magazine littéraire, série 3, tome 12, 1899.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les témoins, le cou tendu, regardent, songeant à leur responsabilité. Ils ont pâli tous les quatre, car Paul Bertral vient de se fendre avec une rapidité foudroyante. Le coup a été paré, juste à temps, et aussi la riposte très dangereuse. Maintenant les épées se heurtent, se croisent, vont, reviennent, touchent presque, parent, ripostent, sans relâche, sans calcul, violentes, maladroites, comme ivres.

Les témoins regardent toujours inquiets, hallucinés, cette étrange vie de l’acier qui va peut-être, à l’instant donner la mort.

Un nuage, qui cachait le soleil s’envole dans le vent et la lumière vient éblouir les yeux du capitaine, brutale. À ce moment précis, Paul Serre se fendait. Paul Bertral était touché au bras. « L’honneur était satisfait. »



Tandis qu’on rédige le procès-verbal, le mari de Valentine se précipite au bureau du télégraphe et, avec une fièvre joyeuse, écrit la dépêche suivante :


Bertral blessé. T’embrasse mille fois.

Paul.

Par malheur, on ne télégraphie guère les signes de ponctuation et l’employé qui transcrit ne fît qu’une phrase des deux.

Bertral blessé t’embrasse mille fois.

Mme Serre, furieuse, mais nullement étonnée des mille baisers qu’elle croyait recevoir du capitaine, télégraphia à son mari :

Bertral m’adresse télégramme injurieux.

Valentine.



On juge de la colère de Serre. Comment ! ce manant de Bertral insultait sa femme de nouveau ! Après une première affaire ! et publiquement encore ! L’injure avait passé sous les yeux de nom-