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flagellé et menaçant le ciel, un lion et un sanglier par Barye ; un squelette de cheval, avec trois pattes seulement et pas d’oreilles ; plus loin, une tête de cheval, également sans oreilles, copie d’un fragment du fronton du Parthénon, et le buste de Clytie, avec son remarquable front, son doux regard, ses épaules merveilleuses, sa gorge adorable, nid divin où l’homme aimerait abriter ses désirs.

Dans le fond de la pièce, près du poêle, étaient suspendus des ustensiles de cuisine. Tout contre, dans un buffet vitré, un service de table très modeste, mais très propre.

Sur le plancher soigneusement ciré, étaient étendus une peau de cheetah et un grand tapis persan dont la moitié (sous le trapèze jusqu’au delà de la table à modèles) était recouverte d’un épais paillasson destiné aux assauts d’escrime et de boxe.

Deux fenêtres avec des volets et d’épais rideaux de serge s’ouvraient l’une au levant, l’autre au couchant.

Outre une grande alcôve, il y avait dans tous les coins de la pièce des enfoncements destinés à être garnis, avec le temps, de petits meubles et de bibelots, de tous ces menus objets auxquels on s’attache malgré soi et qu’on revoit toujours comme des êtres sympathiques et familiers.

Un immense divan moelleux faisait face aux deux fenêtres. Il était assez long et large pour permettre à trois hommes de s’y allonger confortablement sans se gêner les uns les autres et d’y fumer paresseusement leurs pipes, ce qui arrivait fort souvent à nos héros…

Le premier des locataires de l’atelier que nous venons de décrire, était un nommé Taffy Whynn.

Issu d’une famille du Yorkshire, c’était le gentilhomme de la bande — on le disait parent éloigné d’un baronnet. — Bras nus et en manches de chemise, il faisait tournoyer énergiquement une paire de massues autour de sa tête. Son visage, aux traits réguliers, rougi par la violence de l’exercice, et tout en sueur, avait une singulière expression de fierté.

C’était un homme très grand, blond, avec des yeux bleus vivaces ; ses bras étaient ceux d’un athlète.

Pendant trois ans, il avait servi dans l’armée, et était revenu de la campagne de Crimée sans une égratignure. Il eût été un des célèbres « six cents » dans la fameuse charge de Balaklava, s’il n’avait été alors cloué à l’hôpital par une foulure attrapée en jouant à saut de mouton dans les tranchées.

Ainsi, il n’avait pu être ni à la gloire ni à la mort ; cette fâcheuse