Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/26

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— C’est bien assez de se mettre à genoux devant Dieu ! répondit-il au Père Galicé.

— Vous obéirez, répliqua le Père, ou vous quitterez le pensionnat. Choisissez !

— Mon choix est fait, dit Gaston, je pars !

Il partit en effet le soir même.

Gaston ne garda pas rancune aux Pères Jésuites ; il les a toujours défendus. Il disait hautement qu’il était leur obligé, et que c’était à eux surtout qu’il devait l’élévation de son caractère et le sentiment profond de sa dignité personnelle.

En sortant de Fribourg, Gaston vint rejoindre son père au château de Boulbon, près Tarascon.

Le vieux comte accueillit son fils avec la froideur et l’étiquette d’un autre âge. Tout élan se glaça dans le cœur du jeune homme. Une tristesse soudaine l’envahit, et il sentit son âme se replier douloureusement.

Gaston touchait à sa dix-huitième année. Le jour même où il atteignit cet âge, son père le manda en son cabinet, et, par-devant notaire, lui rendit avec une fidélité scrupuleuse ses comptes de tutelle. Lorsque Gaston lui en eut donné une décharge en règle, il le fit émanciper et le mit immédiatement en possession de la fortune qui lui revenait de sa mère, fortune considérable qui devait bientôt se fondre dans ses mains jeunes et téméraires.

C’était un terrible vieillard que ce vieux comte. En lisant dans les Mémoires d’outre-tombe, l’admirable chapitre où M. de Chateaubriand raconte la vie du château de Combourg, nous avons toujours involontairement pensé au père de Gaston. Altier, taciturne, dur, sauvage,