Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/32

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Aussi, quand il revint, à quelque temps de là, passer un mois ou deux à Boulbon, le vieux comte fronça le sourcil aux airs jeune-France de son fils.

Ici se place une petite anecdote qui donnera une idée des rapports de Gaston avec son père.

L’accueil fut froid et solennel comme d’habitude : le dîner méthodique et silencieux comme par le passé.

Après le dîner, et comme Gaston fumait un cigarre sur la terrasse, M. de Raousset rompit le silence glacial qu’il avait gardé et dit à sa femme :

— Madame, il me serait pénible de discuter avec mon fils, et il me serait impossible de supporter sa résistance. Vous le voyez, il nous revient de Paris avec toute sa barbe et le cigarre aux dents. Passe pour le cigarre ! Mais dites-lui, je vous prie, qu’il ne convient pas à un homme de sa naissance de porter une barbe de moujik, et que je lui serai obligé de m’en faire le sacrifice.

La commission était délicate ; Gaston tenait à sa barbe et non sans raison, car elle lui allait à merveille. Mais comment oser contredire le terrible vieillard ? Mme de Raousset s’exécuta, et Gaston, cédant aux prières de sa belle-mère, parut le lendemain à table complètement rasé.

— Monsieur, lui dit le comte, je vous remercie de votre déférence à mon désir.

Et ce fut tout.

À quelques jours de là, le comte reprit :

— Madame, je vous autorise à dire à mon fils qu’il peut laisser repousser sa barbe ; toutes réflexions faites, je n’y vois pas d’inconvénients.

Gaston profita de la permission, comme on peut le