Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/76

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cette sécurité, toute richesse territoriale a disparu. Privés de leurs garnisons, les présidios ne sont plus d’aucun secours. En trente ans, les Indiens ont réduit ce pays à la plus profonde misère. La dévastation n’a laissé derrière elle que des ruines, des larmes et des croix sinistres plantées le long des chemins. La civilisation s’éteint et le désert s’agrandit. Tout ce qui n’est pas dans l’extrême voisinage des villes qui restent, est inculte et ravagé.

« C’est un spectacle navrant, dit M. de Raousset dans une de ses lettres, que de voir ces belles plaines rendues au silence de la solitude, ces ranchos vides et ruinés, ces pueblos dont les murailles tombent, ces églises dépouillées même de leurs prêtres, ces populations misérables et abruties, ces présidios où quelques soldats déguenillés et tremblants, représentent les fiers Castillans d’autrefois, les descendants des compagnons de Cortez. De la prospérité qui régnait il y a quarante ans, le souvenir seul a survécu ; mais avec lui s’est perpétué le respect de ceux à qui elle était due. Les populations de ces malheureuses frontières n’oublient pas qu’elles ont du leur ancienne sécurité à la vigueur du gouvernement espagnol. Vainement aujourd’hui la demandent-ils aux successeurs imbéciles des vice-rois ; toute comparaison entre les deux pouvoirs aboutit à d’amères récriminations contre Mexico. . . . . . . . . .

. . . . . . . . » On peut parcourir, au cœur du pays même, des espaces de quatre-vingts à cent milles, sans y rencontrer à peine une ferme à moitié démolie, dont les malheureux habitants n’existent que par l’oubli des Indiens. On y élève par troupeaux sauvages des bestiaux et des chevaux, dont les Apaches volent la plus grande partie. Le sol est inculte, et nulle part la main de l’homme ne laissa une trace dans ces espaces sans horizon. Au nord, sur une étendue de huit à dix degrés superficiels, il n’existe pas un habitant. Des bandes de chevaux et de bœufs sauvages, restes des beaux troupeaux qu’élevait la génération passée ; des ruines de maisons, des ruines de forts, des ruines d’églises, des ruines de villages ; et autour de ce