Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1) 1 t ’ A M E. 11$

âvengle. J’ai vu une dame , qui , guérie d’une apoplexie , fut plus d’un an à recouvrer f i mémoire ; il lui fallut revenir a ’.î , ^ , c , de’ fes premières connoiffances, qui s’augmentoient & s’élevoient en quelque forte avec les fibres affailTécs du cerveau , qui n’avoient fait , par leur collubcfcence , qu’arrêter & intercepter les idées. Le P. Mabillon étoit fort bor.ié ; une maladie fit e’clore en lui beaucoup d’efprit , de pénétration , & d’aptitude pour les fciences. Voilà une de ces heureufes maladies , contre lefquellcs bien des gens pourroient troquer leur fanté , & ils feroient un marché d’or. Les aveugles ont affez communément beaucoup de mémoire : tous hs corps qui les environnent ont perdu les moyens de les diflraire ; l’attention, la réflexion leur coûte peu ; de-là on peut envifager long-temps & fixement chaque face d’un objet , la préfence des idées eft plus fiable & moins fugitive. M. de la Morte , de l’académie françoife , diâa tout de fuite fa tragédie à’Inês de Caftro. Quelle étendue de mémoire d’avoir 2000 vers préfents , & qui défilent tous avec ordre devant l’ame, au gré de la volonté ! Comment fe peut-il faire qu’il n’y ait rien d’embrouillé dans cette efpece de chaos ! On a dit bien plus de Pafcal ; on raconte qu’il n’a voit jamais oublié ce qu’il avoit appris. On penfe au refte, &avec alTez de raifon, puifque c’eft un fait , que ceux qui ont beaucoup de mé-