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Traité

au lieu que les premières font aimer, ou haïr l’objet qui les fait naître par ſon action.

Si la volonté qui réſulte de l’idée tracée dans le cerveau, ſe plaît à contempler, à conſerver cette idée ; comme lorſqu’on penſe à une jolie femme, à certaine réuſſite, &c. c’eſt ce qu’on nomme joie, volupté, plaiſir. Quand la volonté déſagréablement affectée, ſouffre d’avoir une idée, & la voudroit loin d’elle, il en réſulte de la triſteſſe. L’amour & la haine ſont deux paſſions deſquelles dépendent toutes les autres. L’amour d’un objet préſent me réjouit ; l’amour d’un objet paſſé eſt un agréable ſouvenir ; l’amour d’un objet futur eſt ce qu’on nomme déſir, ou eſpoir, lorſqu’on déſire, ou qu’on eſpere en jouir. Un mal préſent excite de la triſteſſe, ou de la haine ; un mal paſſé donne une réminiſcence fâcheuſe ; la crainte vient d’un mal futur. Les autres affections de l’ame ſont divers dégrés d’amour, ou de haine. Mais ſi ces affections ſont fortes, qu’elles impriment des traces ſi profondes dans le cerveau, que toute notre économie en ſoit bouleversée, & ne connoiſſe plus les loix de la raiſon ; alors cet état violent ſe nomme paſſion, qui nous entraîne vers ſon objet, malgré notre ame. Les idées qui n’excitent ni joie, ni triſteſſe, ſont appelées indifferentes, comme on vient de le dire : telle eſt l’idée de l’air, d’une pierre, d’un cercle, d’une maiſon, &c. Mais