Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/169

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fications de nous-mêmes ; & il eft vrai de dire que lame réduite a la pofleHion d’elle - même , n eft qu’un être accidentel. La preuve de cela , c’efi : que l’ame ne fe connoît point , & qu’elle eifc privée d’elle même lorfqu’elle eft privée des fenfations. Tout fon bien-être & tout fon mal-être ne refident donc que dans les impreffions agréables ou defagreablcs qu’elle reçoit pailivement ; c’eilà-dire , qu’elle n’eft pas la maîtrefle de fe les procurer & de les choilir à fon gré , puifqu’clîes dépendent manifeftement de caufes qui lui font entièrement étrangères.

II s’enfuit que le bonheur ne peut dépendre de la manière de penfer, ou plutôt de fentirjcar il eft certain , & je ne crois pas que perfoniie en difconvienne , qu’on ne penfe & qu’on ne fent pas comme on voudroit. Ceux-là donc qui cherchent le bonheur dans leurs réflexions, ou dans la recherche de la vérité qui nous fuit, le cherchent où il n’eft pas. A dire vrai , le bonheur dépend de caufes corporelles , telles que certaines difpoiîtions de corps naturelles , ou acqiiifes, je veux dire, procurées par l’aclion de corps étrangers fur le nôtre. 11 y a des gens qui , grâce à Theureufe conformation de leurs organes & à la modération de leurs déiirs , font heureux à peu de frais , ou du moins font le plus fouvent tranquilles & contents de leur fort, de manière que ce n’eft guère que