Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/21

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bonnes, & ſur-tout les grandes actions n’ont point été ſans récompenſe, ni les mauvaiſes ſans punition & le funeſte exemple des coupables a retenu ceux qui alloient le devenir. Sans les gibets, les roues, les potences, les échafauds, ſans ces hommes vils, rebut de la nature entiere, qui pour de l’argent étrangleroient l’univers, malgré le jeu de toutes ces merveilleuſes machines, le plus foible n’eût point été à l’abri du plus fort.

Puiſque la morale tire ſon orgine de la politique, comme les loix & les bourreaux ; il s’enſuit qu’elle n’eſt point l’ouvrage de la nature, ni par conſéquent de la philoſophie, ou de la raiſon, tous termes ſynonymes.

De-là encore il n’eſt pas ſurprenant que la philoſophie ne conduiſe point à la morale, pour ſe joindre à elle, pour prendre ſon parti, & l’appuyer de ſes propres forces. Mais il ne faut pas croire pour cela qu’elle nous y conduiſe, comme à l’ennemi, pour l’exterminer ; ſi elle marche à elle, le flambeau à la main, c’eſt pour la reconnoître en quelque ſorte, & juger de ſang froid de la difference eſſentielle de leurs intérêts.

Autant les choſes ſont différentes des mœurs, le ſentiment des loix, & la vérité de toute convention arbitraire, autant la philoſophie eſt diffé-