Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/22

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rente de la morale ; ou ſi l’on veut, autant la morale de la nature (car elle a la ſienne) differe de celle qu’un art admirable a ſagement inventée. Si celle-ci paroit pénétrée de reſpect pour la celeſte ſource dont elle eſt émanée (la religion), l’autre n’en a pas un moins profond pour la vérité, ou pour ce qui en a meme la ſimple apparence, ni un moindre attachement à ſes goûts, ſes plaiſirs, & en general à la volupté. La religion eſt la bouſſole de l’une, le plaiſir celle de l’autre, en tant qu’elle ſent ; la vérité en tant qu’elle penſe.

Ecoutez la premiere : elle vous ordonnera impérieuſement de vous vaincre vous-mêmes ; decidant ſans balancer que rien n’eſt plus facile, & que « pour etre vertueux, il ne faut que vouloir ». Pretez l’oreille à la ſeconde ; elle vous invitera à ſuivre vos penchants, vos amours & tout ce qui vous plaît : ou plutôt dès-lors vous les avez déjà ſuivis. Eh ! que le plaiſir qu’elle nous inſpire, nous fait bien ſentir, ſans tant de raiſonnemens ſuperflus, que ce n’eſt que par lui qu’on peut être heureux !

Ici, il n’y a qu’à ſe laiſſer doucement aller aux agréables impulſions de la nature : là il faut ſe roidir, ſe régimber contr’elle. Ici, il ſuffit de ſe conformer à ſoi-même, d’être ce qu’on eſt, & en quelque ſorte, de ſe reſſembler ; là,